Chronique Éducation

Des écoles différentes nées de la lutte au Mexique

Melaine Fanouillère

L’expérience zapatiste au Chiapas donne lieu à des expérimentations éducatives basées sur quatre axes principaux : compétences techniques et connaissances scientifiques et naturalistes en vue d’assurer la subsistance de la communauté ; autonomie politique ; revitalisation de la culture indigène par l’art, la cosmogonie et le bilinguisme ; enfin, étude de la colonisation, du mouvement zapatiste, du système juridique mexicain, dans l’objectif d’anticiper la défense des peuples.

Au Chiapas, des écoles organisées par et pour la communauté

Les écoles sont animées par des promoteurs et promotrices d’éducation désigné·es par l’assemblée communale et révocables à tout moment. Les élèves sont sujets et actifs de leur éducation : connaître le vivant ou l’histoire de la communauté passe par exemple par la réalisation d’interviews auprès des anciens et anciennes. Le comité d’éducation possède la plupart du temps son propre potager où les élèves peuvent expérimenter l’agroécologie – et les produits de leur récolte servent à financer l’école elle-même.
Outre la hausse du taux d’alphabétisation, la réussite du système zapatiste tient à la continuité éducative. Beaucoup de membres de la première génération d’élèves ont choisi de devenir promoteurs et promotrices d’éducation à la fin de leur cursus. Cependant, les difficultés perdurent quant à la précarité des infrastructures, au manque de manuels scolaires ou aux failles dans la formation des promot·rices d’éducation, notamment en castillan. Sans parler des attaques menées par l’État mexicain ou par les paramilitaires.

À Oaxaca, une école pour apprendre à penser, à créer et à résister

Au nord du Chiapas, dans la Sierra Sur de Oaxaca, la Finca Cafetal Alemania (production de café), à Huatulco, a été récupérée par la population locale organisée au sein du comité pour la défense des droits indigènes après la faillite de l’entreprise. Près de deux mille familles issues de 48 communautés ont transformé les lieux en centre de formation pour l’autonomie alimentaire. Une sorte d’école agro-écologique avec 18 ateliers de production d’une grande diversité alimentaire, artisanale et artistique. Les élèves, accueilli·es depuis la primaire jusqu’au bac, disposent de dortoirs et de réfectoires et bénéficient de contenus pédagogiques adaptés, l’objectif étant annoncé sur les murs mêmes de l’école : « Avec une éducation indépendante, nous permettons aux enfants d’acquérir sens critique, analyse et réflexion ».
Dans un premier temps à destination des jeunes, l’école agraire se dote de cours pour adultes en 2014, avec le module pour la défense collective du territoire ; puis elle met en place des formations en pratique juridique, en défense de l’environnement ou encore autour du genre et de l’identité indigène. Face à la menace minière, elle ouvre également un pôle d’étude des méga-projets pour analyser comment ils affectent les communautés paysannes. La Finca est finalement un cœur irriguant les luttes et les espérances dans une région cernée par les projets industriels et touristiques.

Sources :
• Documentaire Una Introduccion a la educacion zapatista & La Resistencia Escuelita Zapatista
• Article « CODEDI, la Finca Alemania » sur le site « De l’Autre côté du Charco ».
• Documentaire Como una piedra en el zapato disponible sur radiozapatista.org

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