Chronique Eau Paix et non-violence répression

Sainte-Soline : des larmes et des armes

Stephen Kerckhove

Inquièt∙es ; nous sommes inquièt∙es et en colère. Inquièt∙es d’une situation écologique et sociale qui ne cesse d’empirer…

En colère à la vue de cette caste mortifère qui parie sur la guerre civile pour préserver ce petit pouvoir absurde d’un monde en déliquescence. En colère face à l’attentisme d’une société engourdie par des décennies de consumérisme et de pensée unique, dont la combativité s’effrite lorsque les enjeux sont trop lointains, trop globaux, trop éloignés du sacro-saint pouvoir d’achat et qui renonce trop vite à s’exposer pour le devoir impérieux de vivre. En colère face à l’attitude criminelle des profiteus∙es qui préfèrent l’enfer climatique plutôt que renoncer à détruire terre et mer. En colère aussi face à notre impréparation collective, notre inefficacité structurelle, notre manque d’imagination qui nous conduisent à vouloir ressembler à celles et ceux que nous prétendons combattre. Et surtout, meurtri∙es par les blessures infligées, manifestation après manifestation, à une jeunesse déterminée.

Privilégier les graines aux grenades

Nous défendons la vie. Nous sommes la nature qui se défend et nous devons privilégier les graines aux grenades. Face à des militaires surentrainé∙es et suréquipé∙es, l’efficacité commande de renoncer à cette opposition en miroir. Vouloir la guerre, c’est choisir le terrain de l’adversaire, c’est nous disqualifier en pensant que nos larmes auront raison de leurs armes, c’est faire de cette confrontation un grand défouloir durant lequel nous nous opposerons aux messagèr∙es et non aux messages, aux gardien∙nes de l’ordre et non à cet ordre destructeur.
Face à l’urgence climatique et à l’effondrement irréversible des écosystèmes, nous n’avons pas le droit de nous tromper de colère, nous n’avons pas le droit d’être inefficaces en mélangeant la partie et le tout, le flic et le fric.
Nous sommes nombreu∙ses. Nous sommes déterminé∙es. Nous sommes des amoureu∙ses de la vie. Ne nous laissons pas aspirer par le côté obscur de la force. Ne perdons pas notre âme en épanchant notre colère sur les petits pions qui protègent le roi et ses fous. Chantons, dansons, faisons de nos combats une immense fête inspirée par notre soif de vivre et donnons envie aux damné∙es du soulèvement de la terre.
Nos colères ne sont pas une haine de l’autre, mais une détermination sans faille, une frustration d’avoir trop attendu. Nos luttes doivent être belles, colorées, musicales et inspirantes. Elles doivent être à l’image du monde que nous souhaitons voir advenir : créatives, bienveillantes, engagées, efficaces et non-violentes.

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