Article Environnement

VIVRE : défendre l’environnement dans la vallée de la chimie

Martha Gilson

Dans le nord de la Drôme, les militant·es de Vivre Ici Vallée du Rhône Environnement se battent depuis des années pour la défense de l’environnement. Et dans une vallée entourée par la plateforme chimique de Roussillon et l’autoroute, ce n’est pas pas une mince affaire.

La région de Péage-de-Roussillon et de Salaise-sur-Sanne est fortement impactée par la pollution, atmosphérique, mais pas seulement. Elle abrite 13 sites SEVESO, des incinérateurs, une plateforme chimique, etc. et s’est construite depuis un siècle (dont 40 ans de nucléaire avec la centrale de Saint-Alban, toute proche) autour de la chimie. Dans ce contexte, alors que ces entreprises polluantes et destructrices ont façonné l’emploi et le territoire, pas facile de se mobiliser pour les causes environnementales ! Conscient de ce contexte peu favorable à l’écologie, Vivre s’est créé pour faire entendre une autre voix, et proposer une autre approche de l’aménagement du territoire. « Ça reste difficile de faire prendre conscience aux élus, et même à la population, que la chimie n’a pas que des bons côtés », explique Georges Montagne, président de l’association. « On nous met en avant à chaque fois l’emploi. Pendant longtemps, on était systématiquement en opposition avec les syndicats. Ça, ça change un peu, car la pollution retombe sur les ouvriers en premier lieu. Est-ce que ça vaut le coup de travailler toute sa vie pour arriver à la retraite dans un état de santé déplorable ? On essaye aujourd’hui de travailler avec les syndicats, on a travaillé avec la CAPER (association qui accompagne les victimes de toutes les maladies professionnelles qu’elles soient liées à l’amiante ou à d’autres expositions) pour faire reconnaître le site de Rhône-Poulenc comme un site qui contient de l’amiante. On milite pour avoir une enquête épidémiologique, mais on a beaucoup de mal ».

Lutter sur tous les fronts

Vivre est née en 2002 à l’occasion du projet d’implantation d’un centre logistique (classé Seveso 2). Elle se lance alors dans un travail de contre-argumentaire pour démontrer le danger potentiel encouru par la population. Le projet est bloqué, au grand dam de certains élus du coin, qui promouvaient l’emploi à venir.
L’association cherche à siéger dans différentes instances locales pour peser dans les décisions d’aménagement, pour tenter de faire respecter et évoluer la législation en vigueur et donner le point de vue de citoyen·nes soumis·es aux aléas industriels, etc., sans illusions toutefois sur son poids réel.
Depuis 20 ans, les campagnes de Vivre s’accumulent : dénonciation de l’importation de déchets australiens, recours obtenu contre l’aménagement d’une zone industrialo-portuaire sur le Rhône, enquête sur la dissémination des polluants dans les communes, etc.
L’association est actuellement engagée dans plusieurs recours juridiques contre Inspira, un projet d’extension d’une zone industrialo-portuaire sur plusieurs centaines d’hectares de terres agricoles encore cultivées. En mai 2021, le Tribunal administratif de Grenoble a donné raison aux arguments de l’association en suspendant l’arrêté préfectoral.

L’Appel du Rhône

L’association s’est pleinement engagée pour l’Appel du Rhône, qui vise à faire acquérir une personnalité juridique au fleuve. Une telle reconnaissance permettrait de mieux défendre ses droits à exister, être préservé, se régénérer, évoluer, de manière à maintenir et garantir son environnement et sa biodiversité, et de nombreuses associations se mobilisent aujourd’hui autour de cet appel. « Ce qui est intéressant pour nous dans ce projet, c’est qu’il permet de fédérer des associations environnementales, mais aussi des pêcheurs, explique Denis Mazard, secrétaire de Vivre. C’est une idée qui nous plaît. On ne veut pas apparaître uniquement comme des empêcheurs de tourner en rond, parce qu’on bloquerait des projets industriels. L’appel du Rhône, c’est aussi rentrer dans une démarche de démocratie participative, car le projet est ouvert à tous les citoyens. C’est une excellente façon de s’approprier l’environnement ».

Avant tout, sensibiliser et faire du lien

L’association compte entre 50 et 60 militant·es par an, auxquel·les se rajoute un certain nombre de sympatisant·es. Vivre est en lien avec des associations nationales, elle adhère à France Nature Environnement (FNE), mais travaille aussi avec d’autres collectifs locaux, comme Sauvons notre futur, association pour la protection de l’environnement basée à Sablons, ou encore l’Association de Sauvegarde de l’environnement Rambertois. Ces liens permettent aussi de partager les frais d’avocats. Anti-nucléaire, Vivre siège au bureau de la CLI (Commission Locale d’Information) de la centrale de Saint-Alban et travaille en lien étroit avec la CRIIRAD (Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la Radioactivité).
Au-delà de ces liens et de ses combats, Vivre, association reconnue d’intérêt général, se définit comme une association d’éducation populaire. L’association propose notamment des ateliers d’exploration du territoire, à travers des marches pédagogiques. Elle participe par ailleurs à des événements culturels et artistiques autour de l’écologie. « Nous tentons d’alterner combats militants et organisation d’évènements à visées plus pédagogiques pour aussi mettre en avant l’un des buts affichés de l’association, celui de l’éducation populaire. Notre quotidien est celui de militants de terrain, parfois lassant et déprimant, mais heureusement souvent enthousiasmant, et nous nous y accrochons », conclut Georges Montagne.

Martha Gilson

Contact : Vivre Ici Vallée du Rhône Environnement​​​ 16 rue des Claires, 26140 Saint Rambert d’Albon, vivreicienvironnement@gmail.com, https://vivreactu.wordpress.com/

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