Pourtant, par le contexte qui a mené à cette situation, le phénomène reflète la situation d’un certain nombre de pays mis à mal par les politiques néo-libérales.
Grèves, marches paysannes et blocages font chuter le gouvernement
Dès les premiers signes de l’effondrement, les Srilankais·es marchent pour réclamer la chute du gouvernement. Des grèves importantes éclatent en décembre 2021 puis en janvier 2022, tandis que les paysan·nes parcourent des centaines de kilomètres pour déferler dans la capitale le 22 février. Les syndicats appellent quant à eux à un mars de lutte pour l’augmentation des salaires.
Malgré tout, le gouvernement reste sourd à la colère populaire. Le 31 mars 2022, le centre de Colombo est tenu par les barricades, des blocages paralysent les villes secondaires et la foule prend d’assaut la résidence du président. L’état d’urgence est déclaré : l’armée est autorisée à maintenir l’ordre, d’autant qu’un couvre-feu est décrété et que les réseaux sociaux sont coupés jusqu’à nouvel ordre. Dimanche 3 avril, pourtant, le peuple tient tête en maintenant un face-à-face avec les militaires durant plusieurs heures. Le gouvernement démissionne dans la soirée, exception faite du Premier ministre et du président.
Stopper les politiques néolibérales
À eux deux, les frères Rajapaksa dirigent le pays de 2005 à 2015 et de 2019 à aujourd’hui. L’effondrement économique est le résultat direct de leur politique de baisse des impôts pour les classes aisées, de coupes budgétaires dans les services publics et de grosses dépenses pour des infrastructures inutiles. Pour maintenir les finances à flots, ils empruntent à tout va et font tourner la planche à billets, provoquant une inflation galopante. L’augmentation du gazole provoque des pénuries, en particulier d’engrais, ce qui fait chuter la production de riz.
Le 5 avril, les collectifs féministes sri-lankais alertent sur la crise humanitaire qui s’annonce et s’alarment sur la perspective d’un nouvel emprunt au FMI : « Les analyses de cette crise sont dominées par les économistes néolibéraux. Ceux-ci ont largement déshumanisé la crise, apportant des réponses qui ne correspondent pas aux préoccupations des femmes, des travailleurs et des communautés. Tant que ces problèmes ne seront pas résolus, les tentatives de privatisation des services publics transféreront la charge économique de la crise sur la population. »
« Le pays n’est pas votre propriété privée ! »
Le slogan « le pays n’est pas votre propriété privée ! » résonne durant des semaines dans les rues de Colombo, entre marches paysannes et grèves syndicales. Le président s’accroche au pouvoir, avec le soutien du FMI qui débloque une « aide » de 6 milliards d’euros, mais la contestation se poursuit. Un campement de tentes tenu par la jeunesse est désormais installé devant la présidence. « Nous sommes en colère, s’indigne l’entrepreneur Peter Almeida au micro de RFI, le 9 juin. Nous devons dégager ces personnes qui ont ruiné le pays ! »
Mélaine Fanouillère
En partenariat avec le podcast L’actu des oublié·es, sur https://audioblog.arteradio.com.