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Un super Majax ripoliné…

Stephen Kerckhove

Notre monde est gouverné par des prestidigitateurs, tour à tour économistes, publicitaires ou responsables politiques. Par la force de l’art oratoire, ces Pinocchio réussissent à entretenir l’idée que les maux écologiques pourraient être résolus avec des formules chocs et discours creux.

À ce petit jeu, Emmanuel Macron, nouveau président de la République a occulté l’action de Macron Emmanuel, ancien président… Interrogé par des journalistes dont l’inculture écologique est patente, le nouveau chef de l’État s’est drapé dans les habits vert pâle de ses illustres prédécesseurs, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande.

L’illusion du débat 

Il aura fallu attendre le débat de l’entre deux tours pour entendre parler d’écologie. Pour celles et ceux qui attendaient ce moment, la déception fut grande. Dix sept petites minutes consacrées à énoncer des platitudes supposées répondre à l’urgence écologique ; un quart d’heure durant lequel il ne fut nullement question de l’avenir de notre Humanité, de l’effondrement des écosystèmes, des pesticides, de la pollution de l’air ou des océans, de l’artificialisation des terres agricoles, de la destruction des milieux écologiques, de l’assèchement des zones humides, de l’arrachage des haies. Non, le débat de l’entre deux tours a fait place à deux super Majax (1) n’ayant rien à dire sur l’écologie.
Pour faire bonne figure, cette campagne présidentielle s’est ainsi résumée à multiplier de vagues engagements dont la vacuité cache mal l’omniprésence des lobbies.

Maquiller l’inaction climatique

Une fois élu, Emmanuel Macron s’est seulement engagé à « ripoliner » - masquer les défauts - sa politique en nommant un Premier ministre en charge de la planification écologique. Cette décision ne dit rien de la politique conduite. Et c’est là l’habilité d’un responsable politique qui préfère s’engager sur la forme pour mieux occulter le fond. Planifiera-t-il la sortie du nucléaire, du glyphosate, des néonicotinoïdes ? Planifiera-t-il la baisse de la consommation énergétique ? Orchestrera-t-il la mutation de notre agriculture, de nos transports, de notre industrie ? Rien n’est dit à ces sujets. Majax est passé maître dans l’art de repeindre en vert sa politique bien grise. Le verdissement écologique, autrement nommé « greenwashing » a élu domicile à l’Élysée.
En préférant multiplier les généralités et autres platitudes, il dissout la Politique et laisse place au néant. La langue de bois verte, maniée avec dextérité dans un cadre médiatique aseptisé, a pour fonction de remplir le vide cathodique par du vide politique…
Une fois élu, ce magicien sera libre de poursuivre la destruction de notre environnement ; contraint seulement d’inscrire cette destruction dans le cadre d’une planification écologique.
Au terme d’une campagne présidentielle qui aura surtout suscité du désintérêt, la colère est grande. Nous nous sommes fait voler cette élection par des super Majax dont la seule ambition est d’être réélu·es et servir ceux et celles qui les ont élu·es. Alors que le GIEC nous a rappelé que nous n’avions plus que trois ans pour limiter l’augmentation des températures à 1,5°, ces magicien·nes prennent une lourde responsabilité.
Stéphen Kerkhove
(1) Lors du débat de l’entre-deux tours face à Marine Le Pen, Emmanuel Macron a évoqué Gérard Majax, magicien et prestidigitateur.

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