Pour quelques litres de pétrole ou mètres-cubes de gaz, que ne serions-nous pas prêt·es à accepter ! 17% de notre gaz provient de la Russie et chaque jour qui passe, des milliers d’Ukrainien·nes fuient une guerre financée par l’achat d’hydrocarbures : ce pétrole et ce gaz que nous continuons à consommer malgré le drame qui se noue sous nos yeux bouffis de notre trop-plein consumériste. Coulant à flot, ces hydrocarbures rapportent au maître du Kremlin 700 millions de dollars chaque jour qui passe. Ce gaz a le même effet qu’une drogue dure qui anesthésie notre empathie et brouille nos repères, à tel point que notre dose quotidienne d’hydrocarbures finit par emporter nos dernières réserves.
Notre seule priorité : continuer de consommer
Au diable Poutine, au diable ces Ukrainien·nes qui fuient la guerre et meurent sous les bombes. Seul compte notre petit confort ! L’urgence n’est donc pas de faire cesser la guerre, une guerre qui tue des individus, broie des vies et traumatise des enfants, mais de baisser de 15 centimes le prix du litre de carburant.
Notre échelle de valeur dit beaucoup de ce que nous sommes devenus, des individus cyniques prêts à tout pour ne renoncer à rien !
Et rassurons-nous… les Ukrainien·nes que nous accueillons pourront bénéficier du plus haut degré de ce que nous continuons à nommer « progrès » : un gaspillage énergétique totalement intériorisé, tellement banal qu’il a le goût de l’évidence. À l’heure où Poutine finance sa guerre grâce à l’argent du pétrole et du gaz, ce gaspillage est criminel et ne pas y renoncer fait de nous des complices.
Se libérer d’une dépendance meurtrière
Chaque jour, des gens meurent parce que nos villes et villages restent sur-éclairés la nuit alors même que ce gaspillage représente près de 50 % de la facture électrique des communes. Chaque jour, des familles fuient la guerre parce que nous pourrions perdre 5 minutes en réduisant de 20 km/h la vitesse sur autoroute alors que cette décision réduirait de 14 % nos consommations de carburant. Chaque jour, l’Ukraine se meurt parce que des jets privés, représentant 10 % des vols en France et circulant 40 % du temps à vide, décollent de nos aéroports. Chaque jour des crimes de guerre sont perpétrés pour qu’en juillet, le bruit et la fureur des Formules 1 puissent se donner en spectacle au Castellet.
Notre dépendance aux hydrocarbures tue chaque jour des innocent·es. Il était confortable de penser que nous n’y pouvions rien. Il est désormais temps de cesser de se mentir.
Stéphen Kerckhove
Ukraine : fin du monde ? F1 du monde !
La guerre en Ukraine est venue rappeler aux amnésiques que nous sommes l’extrême dépendance gazière et pétrolière à laquelle nous sommes soumis·es. Cette addiction a un prix et une odeur. Celle, acre, de nos petits renoncements éthiques, de nos facilités quotidiennes qui gomment progressivement la souffrance d’autrui.
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