L’habitat participatif les Choux Lents est un projet collectif, écologique et alternatif situé dans la commune de Saint-Germain-au-Mont-d’Or. Le projet a d’abord été porté par une femme et deux hommes (Audrey, Ludovic et Olivier), puis peu à peu, d’autres foyers les ont rejoints. À l’heure actuelle il est composé de 7 foyers incluant 5 familles et couples hétéro et un homme et une femme vivant seul∙es. Depuis huit ans les Choux Lents (1) rénovent un ancien corps de ferme par le biais de chantiers participatifs et d’investissements personnels et collectifs. L’écologie fait partie de leurs valeurs tout comme le partage. Chaque foyer dispose de son appartement personnel équipé d’une salle d’eau, de toilettes et d’une cuisine. Mais il y a aussi des lieux partagés comme la cuisine collective, le salon, la buanderie, les chambres d’ami·es, la piscine, la salle communes (activités, réunions, spectacles) et la cour.
Vivre en habitat participatif c’est aussi choisir de vivre à plusieurs, et les Choux Lents l’ont bien compris. Chantiers, tâches ménagères, éducation des enfants… Ici, les désaccords se règlent en groupe. Et bien souvent, les tensions ont un genre.
Habitat participatif et conscience écologique
Les personnes intégrant ce type de projet cherchent à vivre davantage en adéquation avec leurs valeurs écologiques “Dans la recette commune il y a un lien très fort à l’écologie” et cela permet de “soigner notre façon d’habiter” souligne Anne-Françoise, ayant rejoint le projet avec son mari et sa fille.
Vivre ensemble nécessite une certaine organisation, une répartition des rôles lors des réunions. La mutualisation de l’approvisionnement, par exemple, demande d’aller chercher les commandes groupées (Biocoop et AMAP) avec un maximum de vrac, réduisant ainsi l’empreinte carbone du groupe, tout comme le fait d’avoir une flotte de véhicules communs. Lors des travaux et de la rénovation s’est aussi posée la question de l’éco-construction, faisant partie intégrante des valeurs de chaque habitant∙e.
Le fait d’avoir à disposition des surfaces collectives engendre davantage de repas collectifs, d’activités partagées. De plus, cette création de liens entre voisin∙es favorise la mise en place de projets écologiques plus largement au sein du village. En effet l’objectif premier lors de la construction de ce projet reste la question du vivre ensemble. Questionner le modèle patriarcal ne faisait pas partie des ambitions prioritaires : “Je ne pense pas que ça avait été conscientisé comme ça, nous n’étions pas vraiment précurseurs sur le sujet”, confie Anne-Françoise.
Des prises de décisions encore trop genrées
Vivre à plusieurs, c’est aussi devoir s’organiser pour assurer les tâches logistiques. Tous les 15 jours, lors de plénières, “les Choux” se répartissent les missions telles que la comptabilité, le chantier et l’approvisionnement... Ils et elles définissent un·e référent·e par mission, selon les envies de chacun∙e ; le tout en veillant à ce qu’il y ait une équité. Les tâches ménagères et d’entretien de la cuisine sont réalisées ensemble. Mais, en réalité, les prises de décisions sont encore trop genrées. “Il y a eu beaucoup de plaintes sur la répartition des tâches” nous confie Delphine, habitante aux Choux Lents. Michaël, quant à lui, note que les hommes s’occupent davantage des travaux. “Certainement car nous avons été conditionnés. Nous sommes dans notre zone de confort”. Bien que les femmes soient les bienvenues sur le chantier, elles ne se sentent pas toujours à leur place. “Pour apporter quand même un petit quelque chose, lors des chantiers par exemple, la solution de facilité est de faire la cuisine” précise Anne-Françoise. Pour faire pencher la balance, le groupe essaye d’organiser après chaque repas un “karchou” pour nettoyer collectivement la cuisine.
Finalement, vivre en habitat participatif n’empêche pas les Choux Lents de se retrouver confronté∙es aux questions d’inégalités de genre. Partager son quotidien à plusieurs implique parfois de se retrouver face à des comportements perçus comme injustes pour les femmes et nécessite ainsi des discussions afin d’améliorer et de rééquilibrer la tendance.
L’évolution de la place du féminisme
Depuis #MeToo on entend davantage parler de certaines questions féministes mais il ne faut pas minimiser la résistance à l’égalité de genre présente dans la société et intégrée dans les consciences. Ainsi les Choux Lents ne sont pas resté∙es indifférent∙es à ces revendications. Cependant il y a une différence entre prise de conscience individuelle et collective. En effet, certains ménages ont une vision féministe de leur quotidien, d’autres moins… Alors appliquer l’équité dans la répartition des tâches communes est un vrai challenge pour les Choux Lents. On peut tout de même voir que la conscience féministe se propage progressivement au sein du groupe : c’est devenu un sujet beaucoup plus important et la plupart des Choux en ont pris conscience. Aujourd’hui, les hommes Choux se rendent compte que ce sont plus souvent les femmes qui vont prendre l’initiative de servir le repas ou finir de nettoyer la cuisine après un moment en collectivité, ils en font la remarque et essayent d’y remédier individuellement. Du côté des femmes, faire comprendre aux hommes l’injustice qu’elles vivent ou bien la difficulté de légitimité pour avoir un rôle décisif sur le chantier reste compliqué.
La communication reste un point essentiel que cela concerne la question écologique, ou celle du féminisme au sein de l’habitat.
Laura, Maureen, Emma et Lucie, étudiantes à Sup’écolidaires