Après avoir fait le constat que les déchets s’accumulent, l’économie devient circulaire, le recyclage en vogue. L’idée de l’économie circulaire – à contrario de l’économie classique « linéaire » qui ne pense pas le recyclage – est qu’on peut continuer à produire et consommer toujours plus en fabriquant des produits soit-disant durables et recyclabes. Mais cette idée repose sur le mythe d’un recyclage infini et une logique de croissance, quand il faudrait réduire notre production. Pire, l’industrie du recyclage rejoue les logiques capitalistes de concurrence et d’impérialisme. Elle exporte massivement des déchets plastiques en Asie du Sud-Est, au point qu’en 2019, le gouvernement chinois a interdit l’importation de nombreux déchets plastique sur son territoire.
La construction d’objets plus solides, qu’on peut réparer, comme cela est proposé et développé dans les ressourceries, est une réelle alternative à la sur-production existante. Mais ces initiatives sont récupérées et donnent l’illusion qu’on peut produire et faire de la croissance sans extraction de matières premières, mais en cercle fermé. C’est un discours fallacieux et dangereux. Ne laissons pas récupérer les alternatives locales dans le système marchand (1), et préférons les objets sans électronique plus facilement réparables, sans piles ou plastiques, et surtout le réemploi avant l’achat.
Ce dossier réaffirme que si ces démarches individuelles vont dans le bon sens, on ne peut faire l’économie d’une démarche collective de remise en cause du « système recyclage », comme le rappelle Flore Berlingen, ancienne directrice de Zero Waste France. Et de distinguer plusieurs démarches, la réutilisation (achat d’occasion ou réparation), qui peut se faire à l’échelle locale, ne pouvant être comparée au recyclage, qui suppose le démontage de l’objet, la séparation des matériaux pour en refaire de la matière première... ce qui n’est que rarement possible ou bien trop cher à petite échelle, comme le montre l’expérience ratée de La Boucle Verte.
Et rappelons que le meilleur déchet reste celui qu’on ne produit pas.
Michel Bernard et Martha Gilson
(1) Des formes d’entraide et d’écologie locale hier gratuites (partage d’outils, SEL, etc.), permettant de changer de paradigme face au système consumériste, sont aujourd’hui reprises par des start-ups ou grands groupes industriels qui les brevettent et en font de nouveaux « concepts » à base de numérique, intégrés dans l’économie marchande.