Article Alternatives Mobilisation

Extinction Rebellion : à la rencontre de l’enthousiasme militant

Ambre, Corentin, Victoria et Léa

4 étudiant·es de Sup’écolidaire ont rencontré des jeunes militant·es de Extinction Rebellion, à Lyon. Une organisation dans laquelle il est facile de trouver sa place, d’agir de façon significative pour la planète et de se sentir mieux : voilà ce qui ressort de leur rencontre.

Fin 2018, au Royaume-Uni, Extinction Rebellion (XR) fait irruption avec force dans le paysage militant écolo. À partir de revendications très générales, XR se place sous l’extrême urgence à sauver ce qui peut encore l’être sur la planète et adopte la stratégie de la désobéissance civile non violente. Le mouvement essaime rapidement dans le monde, attirant l’attention par de multiples actions spectaculaires : blocage des 5 principaux ponts de Londres (l’action “historique”), perturbations de centres logistiques d’Amazon, “re-décoration” des locaux de Bayer-Monsanto contre les néonicotinoïdes, campagne contre le Groupe Casino, l’une des firmes responsables de la déforestation en Amazonie etc. En France, 104 groupes se sont formés. Chacun agit de manière autonome tout en respectant la charte commune du mouvement.

La carte de l’inclusivité

Que ce soit par ses modes d’action ou d’organisation, XR joue la carte de l’inclusivité, ce qui permet à beaucoup de s’y retrouver, du militant de longue date aux personnes nouvelles pour qui “les actions individuelles ne suffisaient plus”. Une militante raconte avoir eu des difficultés à s’intégrer et se sentir légitime dans d’autres mouvements de désobéissance civile et selon elle l’avantage de XR “c’est qu’on te dit que tu es légitime où que tu sois, où que tu veuille, et que tu as toujours ton truc à apporter à ton échelle et moi ça m’aide dans mon militantisme.” 

La non-violence, une évidence

Au sein d’XR, la notion de désobéissance civile non-violente fait consensus. C’est même un impératif au sein du mouvement. Cette méthode serait être la plus efficace (1) pour espérer un “changement massif de la société” et “rassembler les gens sans les effrayer”. Cependant, cette notion n’a rien de dogmatique. Elle est vue et souhaitée comme complémentaire aux autres formes de luttes.
Mais ce choix est souvent très subjectif et le terme l’est aussi. Ce qui est ressenti comme étant violent pour certain·es, peut ne pas l’être pour d’autres. Et bien qu’il soit évident que la violence verbale comme physique sur autrui, ainsi que sur les forces de l’ordre, soit à bannir au sein du mouvement, la dégradation matérielle symbolique et réfléchie est quelque chose qui peut tout à fait être discuté en amont. Outre son effet sur la société, la non-violence est aussi une forme de militantisme accessible et inclusive. En effet, elle permet de pouvoir y trouver sa place en proposant des actions plus ou moins coup de poing avec un nombre de rôles assez large et une possibilité d’agir selon le profil de chacun.
La non-violence, est aussi, à titre personnel, un moyen de prendre soin de soi en tant que militant·e.

La désobéissance civile, un choix stratégique

Souvent plus visibilisée que la manifestation déclarée, légale, encadrée et habituelle, la désobéissance civile permet de faire parler d’un sujet. Notamment par des actions spectaculaires. Elle permet aussi de cibler directement un sujet et d’aller “s’attaquer” aux premiers responsables du problème dénoncé (entreprises, lieux de pouvoirs…). La désobéissance civile comme mode d’action serait donc un bon moyen “d’attirer l’œil des politiques, de bousculer ce qui se fait habituellement” car “on ne parle pas assez de ces sujets dans la société, cela permet de rester audible, tout en restant crédible.”

Une organisation horizontale et responsabilisante

Au niveau organisationnel, Extinction rébellion défend une démarche horizontale. Le fait de pouvoir endosser un tas de rôles différents selon ses possibilités, désirs et envies est vraiment un plus. Cette configuration de l’organisation permet également une meilleure efficacité en permettant de “responsabiliser et d’engager entièrement chacun” (ce qui n’est pas le cas dans toutes les organisations militantes). “L’horizontalité permet un partage constant, une effusion d’idées qui arrivent perpétuellement, on intègre mieux les gens, il y a moins de pression” selon leur témoignage. Elle “permet d’éliminer un certain nombre de problèmes qui sont liés à l’ego puisque tout le monde a la possibilité de coordonner une action qui lui tient à cœur voire d’ intégrer un groupe déjà établi.” Pour une personne interrogée, l’organisation du mouvement représente même “un idéal de société dont XR est la preuve que ça marche alors que personne ne commande personne.” Enfin, étant donné que la plupart des actions menées par XR sont de la désobéissance civile, et donc, illégales, l’horizontalité permet de n’avoir “personne à accuser s’il y a un problème, ce qui nous responsabilise chacun d’avantage.”

Déconstruire la domination patriarcale

Dans les rapports inter-membres il y a un point d’honneur au sein du mouvement à repérer les outils de la domination patriarcale dans notre société, et à les déconstruire. "C’est un combat constant. Même au sein du milieu militant qui se veut engagé et déconstruit, ça l’est pas du tout au niveau du patriarcat.” XR Lyon travaille notamment sur du vocabulaire d’inclusivité, l’utilisation de pronoms non genrés et une formation sur la domination masculine en cercle militant. Le nombre d’intervention par sexe lors des réunions est compté afin de pouvoir faire des remarques constructives en cas de mansplaining (2). La plupart des personnes interrogées, notamment les hommes hétéros, voient dans ce cadre une philosophie leur permettant d’évoluer dans leur vies personnelles. Une autre personne nous dit vouloir compter davantage sur les formations et des remises en question individuelles car “on est dans un milieu où ce qui est important c’est la liberté (de parole, d’action, etc).” Du côté des femmes, beaucoup estiment ne pas avoir encore assez de recul sur la déconstruction patriarcale dans les relations internes, mais que malgré tout, elles se sentent plus en sécurité et mieux comprises lorsqu’elles entrent dans le cercle bienveillant qu’est XR

L’urgence d’une écologie plus radicale 

À XR, tout le monde s’accorde à dire que l’écologie n’a plus le temps d’être modérée. Un changement de société radical est nécessaire pour la survie du vivant dans sa globalité. “L’écologie occidentale a été créée dans un contexte colonial où l’écologie est vue de manière hors sol. Il est urgent de sortir de ça et de voir quels sont les autres rapports à la nature qui existent et d’écouter ceux à qui on a imposé cette vision de l’écologie”. Cette phrase résonne car l’écologie est un mouvement qui nous (re)lie à tout ce qui existe. Une écologie qui a du sens est une écologie qui lutte contre toutes les formes de domination car elles sont inséparables les unes des autres. 
La notion d’urgence est également très forte. “Les problèmes écologiques qu’on a actuellement ne sont pas nouveaux. Les premiers lanceurs d’alertes commencent dès les années 60, sur des preuves scientifiques. On aurait pris quelques décisions à cette époque là, je pense qu’on serait pas dans l’urgence actuelle”.

Acteurs du changement à l’aube d’un nouveau monde 

Qu’en est-il de l’impact des actions de XR sur les mentalités, que ce soit dans l’opinion publique ou les discours médiatiques ? Toutes les personnes interrogées souhaitent que leurs actions permettent un changement plus rapide sur le plan politique, économique et social. Certaines se contentent des petites victoires : “Les mentalités changent autour de moi car j’en parle énormément”. Même si les actions ne changent pas les choses directement, l’impact est subtil. "Ça ouvre les imaginaires”. Pour d’autres, le constat est plus amer : “J’ai l’impression que c’est jamais assez bien et les mentalités n’ont pas tellement changé. Dès qu’on va dans le métro, on se rend compte qu’il y a une cassure hyper violente et que notre petite bulle de militants est complètement marginale”. En effet, quand on voit ce qui est fait comparé à ce qu’il reste à faire, il peut être difficile de garder la motivation dans l’espoir d’un monde meilleur. Face à cela, une autre personne explique : “Moi je prends le problème dans l’autre sens. Je me dis, est-ce que je suis à ma place quand je suis en action ? Tant que je me dis que je suis à ma place dans une action, je continue. Il me semble impossible à titre personnel de ne rien faire”.

La mobilisation, un remède à l’impuissance 

Malgré le pessimisme ressenti par de nombreuses personnes, le fait d’être à XR est salvateur et permet de se réaliser concrètement. C’est une approche presque thérapeutique qui a aidé certains à mettre du sens dans leurs actions : “venir à XR, ça me conforte dans les actions que je fais, je me sens vraiment vivant”. Finalement, XR dans son ensemble a permis à énormément de militant·es de se requestionner : “Depuis le départ, le changement a été la façon de penser. Je suis passé dans le mode non-violent via un travail psychologique. Il y a une énergie que tu dépenses qui est hyper différente, beaucoup plus valorisante mais aussi beaucoup plus dure. Je ne suis pas non-violent parce que je ne suis pas capable d’être violent. Je suis non-violent par choix”.

Ambre, Corentin, Victoria et Léa, étudiant·es à Sup’écolidaire

(1) Why Civil Resistance Works : The Strategic Logic of Nonviolent Conflict de Erica Chenoweth et Maria Stephan, Columbia University Press, 2011

(2) Mansplaining, mecsplication en Français (pourquoi parler la langue des multinationales ?) : c’est quand un homme prend la parole pour expliquer le monde et la vie à une femme, ou lui parler d’un sujet qu’elle connaît mieux que lui. Souvent sur un ton paternaliste ou condescendant. Typique des micro-agressions sexistes et très pénible !

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