Silence : Est-ce que vous pouvez présenter le lieu et expliquer d’où vient l’idée ?
Mélodie : Le café Rosa est un café boutique féministe. Pour l’instant on est surtout sur un format boutique et café à emporter parce qu’on n’a pas le droit d’ouvrir le café. Sur la première mezzanine, il y a une friperie : il y en a pour toutes les tailles, tous les styles et elle est assez genderfluid (1). La deuxième mezzanine sert à faire des ateliers, des réunions… L’objectif c’est que les ateliers et ce que l’on vend ici soient fait par des femmes ou des personnes de minorités de genres. Ju a eu l’idée de mettre cette mezzanine à disposition des étudiant·es 4h par jour les mardi, mercredi et jeudi, ça permet de sortir de l’isolement qui caractérise pas mal la vie des étudiant·es ces derniers mois.
Justine : Sur Lyon, il n’y avait pas de lieu en journée qui était dédié aux questions queer et féministes. On est parties du constat qu’à l’université il y a plein de choses organisées qui sont normalement accessibles à tou·tes mais les infos ne circulent pas et on ne se sent pas toujours légitime à y aller, comme pour certains espaces militants qui peuvent être intimidants. Alors qu’un lieu plus neutre comme un café, c’est aussi un lieu de rencontre.
Silence : Comment avez-vous réussi à vous lancer ?
J&M : On est une association, avec deux personnes au bureau et nous espérons être futures salariées mais pour le moment on est co-fondatrices et gérantes du lieu. On n’a pas encore de bénévoles (à part sur le chantier), on attend que le lieu soit ouvert en conditions normales pour que les personnes se rendent compte à quoi ça ressemble, de l’investissement que ça peut demander, mais on aimerait fonctionner avec du bénévolat. On a deux stagiaires qui nous aident à la fois sur le bar mais aussi sur la programmation culturelle. Financièrement, on a fait appel à un prêt de la région qui finance des projets d’économie sociale et solidaire, en accompagnement avec une banque. On a aussi eu la chance d’avoir beaucoup de dons au moment des adhésions à l’association. Et puis une autre ressource aussi c’est qu’on est deux, et ça c’est assez précieux. Deux, ça veut dire deux profils sociaux, des compétences différentes et complémentaires, le partage de la charge émotionnelle, de la charge mentale, etc.
Quelle est votre vision du féminisme ?
J&M : Très bonne question ! Comme le lieu, un féminisme inclusif, à la fois en termes d’âge, de milieu social, de race, d’accessibilité et de genre bien évidemment. On accepte tout le monde à tout niveau de déconstruction aussi, les personnes qui ne se revendiquent pas féministes sont les bienvenues. Poser des arbitrages dans un engagement comme celui-ci nous pose un souci. Je pense qu’on est dans la sororité et l’adelphité (2).
Silence : Quelle est la place de l’écologie dans votre projet ?
J&M : Pour l’instant on fait surtout avec les moyens du bord. L’idée c’est quand même d’être dans une logique de réduction de nos déchets, de faire du local, ce qui est déjà le cas pour la plupart des boissons. Pour le moment, il y a juste la bière qui n’est pas locale, elle est Belge mais bio, est-ce que ça fait que ça s’annule ? (rires) Le but de notre lieu, c’est d’être le plus inclusif possible en terme économique aussi et le bio et le local ça peut revenir relativement cher. Au niveau des déchets, toutes nos bières bouteilles, ou nos bouteilles en verre, sont consignées, les gens peuvent venir avec leurs contenants aussi. L’écologie a sa place ici et il y a énormément de ponts qui se font avec le féminisme. Il est très probable qu’on mette des choses en place sur l’écoféminisme parce que mine de rien c’est difficile d’imaginer le féminisme sans l’écologie et vice-versa.
Julie, Hélène, Camille, Juliette, étudiantes à Sup’écolidaires
Entretien réalisé le 19 mars 2021.
(1) Qui brouille les marqueurs de genre.
(2) Notion inclusive englobant fraternité et sororité et permettant de sortir du cadre du genre.
Café Rosa, 78 bis rue Béchevelin, 69007 Lyon