Cette missive se veut un cri de colère mais surtout un espoir qu’enfin vous saisissiez l’urgence d’une crise climatique qui ne se règlera pas à coups de demi-mesures, propos lénifiants et autosatisfactions grotesques. Comme de mauvaises coutumes, vous avez cru bon devoir engager un processus démocratique associant 150 citoyen·nes dont le caractère présumé novateur cache mal l’insincérité du dispositif. Le « sans filtre » supposé accompagner la traduction législative et réglementaire des conclusions de la convention citoyenne pour le climat s’est progressivement délité et mué en « cent filtres ».
Un pas en arrière, trois pas en arrière
La légitimité électorale des parlementaires a, une nouvelle fois, pris le pas sur une légitimité démocratique péniblement acquise par un tirage au sort et sans cesse remise en question. Pire, une majorité de députés et sénateurs esseulés dans leur tour d’ivoire ont patiemment attendu leur heure pour sonner la fin de ce « malentendu ».
Le signal adressé est, tant sur la forme que sur le fond, particulièrement dangereux. Celles et ceux qui espèrent encore voir notre démocratie s’hybrider avec le foisonnement citoyen sont renvoyé·es à une rêverie sans lendemain. Le chaînon manquant entre les concertations du tous ordres et la décision politique reste à dessiner.
Parole, parole, parole
Mais l’essentiel est sans doute pour vous de faire illusion. Donner des gages purement formels, accepter des concessions procédurales pour ne rien lâcher sur le fond. Car 150 citoyen·nes ne vous convaincront jamais de renoncer aux délices aigres doux d’un libéralisme destructeur. Le premier de cordée, dans un délire de toute-puissance, avance, court même. Que cette fuite en avant soit une course vers l’abîme climatique n’arrête pas Jupiter, sûr de son fait, arcbouté dans la défense d’une idéologie mortifère.
Cette loi Climat vous donne sans doute bonne conscience. Mieux, elle finit de vous convaincre que vous ne pouviez faire mieux en pareil situation. Comme dirait l’autre, l’Histoire jugera. En attendant, les 150 citoyen·nes ont adressé un bien modeste 3,3 sur 10 à une loi Climat qui ne règlera qu’à peine 10 % du problème.
L’été sera chaud, l’été sera chaud
Depuis maintenant près de 20 ans, les gesticulations laissent la place aux atermoiements. Notre maison brûle et vous nous proposez d’interdire trois liaisons aériennes hexagonales pour solde de tout compte.
Et pendant ce temps, la clepsydre climatique bat la mesure d’une valse à trois temps, faite d’inondations, des gelées tardives et de canicules dont l’exception est d’ores et déjà devenue la règle. Nous n’avons plus le temps d’écouter vos balivernes, sornettes d’un autre temps. Votre imaginaire fait de moteur diesel, glyphosate, entrepôt Amazon, A320 et autres EPR que nous n’aurions pas le droit de remettre en cause a déjà rejoint les poubelles de l’Histoire, modèle « non recyclable »...
Stéphen Kerckhove
Chaud must go on : Jeu de mots avec l’expression anglaise « Show must go on » : le spectacle doit continuer.