Les AMAP en Italie sont considérées comme une évolution des GAS, groupes d’achat solidaire qui existent depuis des années. Il existe actuellement environ 1 000 GAS officiels, mais en réalité il y en a beaucoup plus. Pour comprendre le fonctionnement des AMAP italiennes, nous sommes allé⋅es à la rencontre de la seconde AMAP créée en Italie, Madre Terra, qui se trouve à Milan. Jeune AMAP fondée en 2020 par Pier, Paolo, Dante et Vincenzo, elle contribue à créer du lien grâce au partage d’un projet commun, la préservation de l’environnement et un lien constant avec les habitant·es.
Silence : Comment est né le projet de création de cette AMAP ?
Dante : Au départ, nous étions un groupe d’achat solidaire (GAS). Ces groupes sont une expérience de consommation critique née en Italie dans les années 1990, à travers lesquels les citoyens s’organisent pour acheter ensemble directement aux producteurs selon des critères de respect des personnes et de l’environnement et préférant les petits producteurs locaux avec un projet lié au territoire. Nous avons en parallèle étudié la structure des AMAP françaises, pour développer par la suite notre propre identité.
Paolo : Nous vivons tous dans le même quartier de Milan, cela a permis de penser ensemble le projet : raccourcir la chaîne de production, libérer le coût de la matière première du coût du marché et essayer de créer une rencontre entre les besoins du producteur et du consommateur.
Pier : Il faut encore faire un pas en arrière pour comprendre la naissance de cette initiative. Le mouvement des GAS existe depuis plus de vingt ans et à Milan, nous avons toujours essayé de valoriser l’agriculture dans cette zone qui était auparavant malmenée tant du point de vue des routes et des bâtiments que du point de vue agricole avec les pesticides. Pour cette raison, avec quelques agriculteurs sensibilisés, nous avons commencé à nous pencher sur la question d’une agriculture de proximité. Ils étaient trois au départ, et maintenant nous travaillons avec une trentaine d’agriculteurs.
Silence : Qu’est-ce qui caractérise l’AMAP Madre Terra ?
Paolo : Ce qui nous caractérise c’est la volonté de créer une communauté, la collaboration entre producteurs et adhérents. Nous avons créé un questionnaire pour toutes les familles adhérentes, pour comprendre leur goût et décider quels légumes seraient plantés. Toutes les décisions sont prises ensemble, horizontalement. Ça veut dire que les adhérents ont le pouvoir de décider, au sein de l’association, quels produits cultiver et qu’ils peuvent choisir leurs préférences de plantation.
Pier : À mon avis, ce qui différencie l’AMAP Madre Terra des AMAP françaises, c’est justement cette communication directe avec les familles adhérentes, contrairement à la réalité française dans lequelle le producteur à tendance à décider quoi semer. Je pense aussi qu’en France les agriculteurs peuvent avoir des relations avec plusieurs groupements d’achats et donc plus d’acheteurs de référence. Notre AMAP au contraire demandent aux agriculteurs de ne pas fonctionner avec d’autres structures.
Silence : En quoi votre AMAP porte-t-elle un projet social ?
Dante : Notre vision est différente parce que nous nous sommes rencontrés au sein d’une autre association qui s’appelle Une maison aussi pour toi, qui s’occupe de personnes qui arrivent de l’étranger sans famille ni maison. L’AMAP Madre Terra leur permet d’avoir un travail et donc une perspective future. Cet aspect social est précisément ce qui nous caractérise par rapport aux AMAP françaises.
Vincenzo : Notre réalité permet la rencontre entre le producteur et le consommateur. Les adhérents signent un contrat annuel pour avoir un panier de fruits et légumes chaque semaine, ce qui permet d’équilibrer le budget. De cette manière, le producteur est couvert en cas d’événements climatiques qui peuvent ruiner la récolte et le consommateur bénéficie de légumes de qualité à bas prix.
Silence : comment fonctionnez-vous en pratique ?
Pier : En manière pratique chaque semaine, le mardi il y a l’échange des paniers, mais notre objectif est d’aller plus loin, en fait nous voudrions éliminer la différence de statut entre producteur et consommateur et créer une communauté. Ça veut dire que l’adhérent qui vient retirer son panier va il prendre le temps de contribuer aux travaux sur le terrain en tant que bénévole.
Vincenzo : Les adhérents ont la possibilité de participer à l’activité agricole et de vérifier personnellement l’avancement de la production des produits, et de voir comment les légumes sont cultivés.
Silence : Pourquoi le consommateur devrait-il choisir de s’investir dans cette AMAP ?
Paolo : Je pense que c’est tout d’abord l’idée de créer une réalité sociale égale et humaine, ça c’est le sens de créer une communauté. De cette manière il y a la possibilité de créer des liens sociaux et de permettre de rapprocher la ville de la simplicité de la nature, de comprendre ce qui se cache derrière le travail de ce que l’on consomme. L’autre objectif est de construire un mode de production et de distribution différent de la grande distribution qui impose des coûts et des modes de distribution aberrants. Nous faisons au contraire la promotion d’un retour des petits paysans avec des produits de qualité et dans le respect de ceux qui travaillent la terre. Améliorer non seulement le produit, mais surtout le travail de ceux qui fabriquent matériellement ces produits.
Propos recueillis par Astrid Pollo
Contact : AMAP Madre Terra, cascina S.Alberto, strada della Bazzanella