L’aventure a commencé au début du premier confinement, en mars 2020. "La population des quartiers nord a encaissé de plein fouet les mesures de restriction, se souvient Salim Grabsi, l’un des fondateurs de “L’Après-M”. Les gens ont perdu une partie de leurs revenus et, pour peu qu’ils aient un travail informel, ils n’ont reçu aucune aide. Avec la fermeture des cantines scolaires, c’est devenu intenable pour les familles."
Face à l’urgence, les ex-salarié·es du McDonald’s et leurs soutiens ont réquisitionné le restaurant. Celui-ci avait été placé en liquidation judiciaire en décembre 2019, car jugé non rentable par McDonald’s France et son franchisé, qui ont tout fait pour le fermer. "Cette faillite était organisée, nous étions jugés trop vindicatifs, estime Kamel Guémari, salarié et syndicaliste du McDo. Ils ne voulaient plus de nous ? Alors on a fait sans eux. J’ai enrichi McDonald’s en travaillant dans ce restaurant. Les habitants du quartier ont enrichi McDonald’s en consommant. Ce restaurant est maintenant à nous, au service de la population."
En quelques semaines, les bénévoles de "L’Après-M" sont parvenus à collecter suffisamment de denrées et de produits d’hygiène pour distribuer gratuitement 3 500 colis par semaine, et nourrir près de 14 000 personnes. Le tout grâce à des fonds issus de dons, à des cagettes données par des paysan·nes, et au concours d’une cinquantaine d’associations. "Sans un euro d’argent public", précise Salim Grabsi. Chaque quartier de la ville reçoit une livraison par semaine, coordonnée par un·e référent·e. Les habitant·es et les ex-salarié·es de la chaîne de fast-food souhaitent créer des emplois et proposer des burgers bios et sains, "100 % produits dans les quartiers nord" et accessibles aux plus pauvres.
Pour que le fast-food social et bio voit le jour, il reste à convaincre McDonald’s de céder les murs du restaurant, qui lui appartiennent toujours. Problème, "McDo refuse de discuter directement avec nous", dit Fathi Bouaroua. Mais "la municipalité s’est engagée à nos côtés et a prévu de faire appel à des dispositifs législatifs pour racheter le local".
Une fois l’établissement racheté, les occupant·es du restaurant veulent créer une entreprise qui bénéficierait aux habitant·es des quartiers nord, sous la forme d’une société coopérative d’intérêt collectif (Scic), qui appartiendrait aux futurs salarié·es, aux client·es du restaurant, aux associations et aux contribut·rices qui financeraient les investissements.
Plusieurs associations ont éclos entre ses murs. L’une d’elle, Le sel de la vie, assure des cours de soutien et des fournitures scolaires à près de trois cents enfants.
Les jeunes et les personnes en réinsertion, notamment après un séjour en prison, sont au cœur du projet. D’ancien·nes salarié·es, licencié·es par McDonald’s, ont d’ores et déjà accepté de les encadrer.
Alexandre-Reza Kokabi et NnoMan
Article initialement paru sur : www.reporterre.net