En mai 2011, le premier article de Silence présentant le déroulement initial de la destruction de trois réacteurs à la centrale de Fukushima Daiichi, au Japon, avait pour titre Un cauchemar au ralenti. Le cauchemar se poursuit depuis dix ans dans cette province au nord de Tokyo, comme il se poursuit depuis presque 35 ans autour de la zone interdite de Tchernobyl, à la frontière entre l’Ukraine et la Biélorussie (1).
Dans les deux cas, il était impossible d’assurer financièrement l’évacuation des populations se trouvant dans les zones contaminées à des taux dépassant les normes fixées au niveau international, et la décision politique a été la même : augmenter cette limite pour que la zone à évacuer soit plus restreinte. Au Japon, la limite a été multipliée par 20. La population japonaise n’étant pas devenue miraculeusement vingt fois plus résistante aux radiations, ce sont environ 8 millions de personnes qui vivent en milieu très radioactif (2).
À Tchernobyl, l’Organisation des Nations unies (ONU) a estimé que, suivant ce principe, environ 7 millions de personnes auraient dû être déplacées. Alors que les cancers sont encore peu visibles à Fukushima du fait du temps nécessaire à leur apparition, on sait qu’en Biélorussie, plus de la moitié des enfants naissent aujourd’hui avec des problèmes de santé liés à la radioactivité.
Et le cauchemar va encore durer longtemps : s’il ne faut « que » trois siècles pour que disparaisse le césium radioactif, il faudra plusieurs millénaires pour que le plutonium disparaisse.
Au moment où, en France, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a fait, en décembre 2020 et janvier 2021, une consultation publique avant l’annonce probable du prolongement de la durée de vie des réacteurs de 40 à 50 ans, espérons que nous, nos enfants, nos petits-enfants, nos arrière-petits-enfants, etc. n’aurons pas aussi à gérer notre propre cauchemar (3).
Michel Bernard
(1) 26 avril 1986 : début de l’accident de Tchernobyl, en Ukraine, à 100 km au nord de la capitale Kiev.
11 mars 2011 : début de l’accident de Fukushima, au Japon, à 250 km au nord de la capitale Tokyo
(2) Et beaucoup plus qui reçoivent des pluies radioactives.
(3) Les réacteurs ont été conçus pour fonctionner pendant 30 ans et, pour certains, leur durée de vie déjà a été prolongée de plus de dix ans.