Trente ans plus tard, l’utilisation mondiale des pesticides a augmenté de près de 81% pour atteindre 4,1 millions de tonnes par an en 2017. Par conséquent, les estimations citées précédemment ne sont plus d’actualité. Beaucoup d’études récentes se sont focalisées sur les suicides par utilisation de pesticides, qui représenteraient 110 000 à 168 000 décès par an, ou seulement sur les décès en ignorant les empoisonnements aigus non mortels, susceptibles d’entraîner des effets sur le long terme.
C’est suite à ce constat qu’une étude scientifique, publiée le 7 décembre 2020, a eu pour objectif de réaliser une revue complète de la littérature scientifique afin d’établir une nouvelle estimation du nombre d’intoxications aiguës non intentionnelles liées aux pesticides. Plus particulièrement, les chercheur·se·s se sont concentré·es sur les expositions professionnelles car il s’agit probablement de la source d’exposition la plus courante entraînant un empoisonnement aigu non volontaire.
Au total, 141 pays ont été couverts grâce à l’étude de 157 publications scientifiques et de la base de données de l’OMS sur la mortalité. Conclusion : les chercheurs estiment qu’environ 385 millions de cas d’intoxications aiguës non intentionnelles se produisent chaque année dans le monde, dont environ 11 000 décès.
L’urgence à changer de modèle agricole est aussi une urgence de santé publique
Sur la base d’une population agricole mondiale d’environ 860 millions de personnes, cela signifie qu’environ 44 % des agriculteur·rice·s sont empoisonné·es par les pesticides chaque année ! Le plus grand nombre de cas d’intoxications aiguës non intentionnelles et n’entraînant pas la mort est estimé en Asie du Sud, suivi par l’Asie du Sud-Est et l’Afrique de l’Est. Par ailleurs, l’incidence nationale la plus élevée a été enregistrée au Burkina Faso, où près de 84% des agriculteur·rice·s et des travailleur·se·s agricoles subissent chaque année des intoxications aiguës accidentelles aux pesticides. (1)
L’urgence à changer de modèle agricole dans le monde entier est donc aussi une urgence de santé publique. Espérons - sans illusions - que notre gouvernement le comprenne enfin et se rappelle que la France est censée réduire son usage des pesticides de 50 % depuis plus de 10 ans (sans succès à ce jour) et passe aux actes en impulsant enfin un changement de notre modèle de production agricole qui le sorte de la dépendance aux pesticides !
François Veillerette - www.generations-futures.fr
Source : Boedeker W., Watts, M., Clausing, P. et al., The global distribution of acute unintentional pesticide poisoning : estimations based on a systematic review, BMC Public Health 20, 1875 (2020), https://bmcpublichealth.biomedcentral.com.
(1) Mais n’oublions pas qu’en France aussi il existe aussi des agricult·rices victimes des pesticides. Ils et elles ont même créé leur propre association, Phytovictimes. www.phyto-victimes.fr.