Sortir Trump du circus médiatique semble ainsi suffisant pour nous contenter. Que le nouvel hôte de la Maison blanche soit le pur produit du système destructiviste importe finalement peu car l’enjeu est d’évoluer dans le moins pire des mondes. Par petites touches, nous perdons de vue que la crise climatique et l’effondrement des écosystèmes requièrent une révolution profonde de notre relation au vivant et non une évaluation à la marge.
Le système productiviste a réussi le tour de force d’inhiber ce qui devrait être naturel dans une telle situation, la colère à l’égard de ce modèle mortifère et un engagement déterminé pour conjurer le sort. Au lieu de ça, nous évoluons dans un monde apathique au sein duquel citoyen·nes et militant·es sont priées de la mettre en sourdine pour ne pas aggraver la situation. Face à la crise sanitaire, c’est le sauve qui peut qui prime. À peine sommes-nous autorisé·es à gloser sur la polémique du moment, dont l’intensité est inversement proportionnelle à sa vacuité. Pendant que nous nous complaisons à commenter la dernière « Fakebook », ce sont nos conditions de vie sur terre qui s’étiolent.
De fait, avant d’être confiné·e physiquement, nous étions déjà sommé·es de nous recroqueviller sur nous-mêmes, inaptes à nous faire entendre dans un monde érigeant la polyphonie médiatique et l’extraversion libidinale des réseaux sociaux en nouvelle forme de censure par le trop-plein.
Que 2021 soit enfin l’année de l’honnête et de la lucidité du diagnostic
Comme chaque nouvelle année, nous allons donc faire assaut de belles promesses. Comme chaque année, nous oublierons soigneusement celles que nous nous étions engagés à mettre en œuvre un an plus tôt. Et pendant ce temps, la clepsydre bat la mesure. Ce compte à rebours que nous nous échinons à occulter s’approche pourtant du gong final.
Mais il ne faut pas affoler la populace. Oser affirmer que le Covid-19 n’était qu’une mise en bouche par rapport à ce qui nous attend ne doit pas être dit. Transis d’effroi, la panique nous saisirait et nous conduirait immanquablement au statu quo. C’est là tout le drame antique de notre époque. Nous avançons imperturbablement vers le précipice mais il faut taire nos craintes de peur d’inquiéter. Pire, il faut feindre l’optimisme béat en applaudissant l’arrivée de bateleurs de foire et autres bonimenteurs qui font profession de politiciens.
Face à ce déni, gageons que 2021 soit enfin l’année de l’honnête et de la lucidité du diagnostic. Que 2021 soit l’an vert de ce décor funeste.
Stéphen Kerckhove
Bonne année et surtout… bonne santé !
L’année 2020 fut tellement chaotique que nous en sommes arrivé·es à nous réjouir de l’élection d’un Joe Biden ! C’est dire si notre niveau d’ambition a été revu à la baisse. Étonnamment, plus les événements confirment les hypothèses les plus pessimistes émises par les écologistes, moins nous osons assumer une certaine forme de radicalité.
Silence existe grâce à vous !
Cet article a été initialement publié dans la revue papier. C'est grâce à vos abonnements et à la vente de la revue que nous pouvons continuer à proposer des alternatives à la société consumériste et destructrice actuelle. Sans publicité, sous forme associative, notre indépendance et notre pérennité dépendent de votre engagement humain et financier !