Dossier Féminismes

Érotiser les luttes écologiques

Guillaume Gamblin

Les luttes queer se caractérisent régulièrement par leur caractère exubérant et sulfureux. Cette manière de militer permet à leurs protagonistes d’aborder les combats écologistes, parmi d’autres, à partir de leur point de vue spécifique.

Si l’« érotophobie » a été historiquement l’une des manières de rabaisser les pratiques et les identités non hétérosexuelles, l’érotisme a été réapproprié par les personnes considérées comme déviantes qui y voient une manière de revendiquer leur différence et leur existence. L’érotisme « dans le sens d’une libération sexuelle, mais surtout dans le sens de la sensualité, de la spontanéité, de la passion », souligne la militante féministe Margaux Le Donné (1).

« Recréer une émotion collective joyeuse, libératrice, érotique parfois »

D’où des tactiques et des manières de militer qui mobilisent la créativité, l’humour, le spectaculaire, le frivolité, la folie, la magie. « En plus du but d’une action précise, qu’elle soit de blocage, d’occupation ou autre, les modes d’action déployés avaient donc comme objectif sinon premier, du moins primordial — dans le cas des communautés de Radical Faeries tout comme des mouvements écoféministes — de recréer une émotion collective joyeuse, érotique parfois, porteuse, entraînante, libératrice. Faire du rassemblement ou de la marche une présentation en acte et en émotion des modes d’interaction alternatifs possibles entre les êtres », complète Cy Lecerf Maulpoix.
À l’instar des Pink Blocks, qui ont émergé dans les années 1990 lors des grands rassemblements altermondialistes : ces groupes d’affinité, souvent colorés de rose, de violet et de paillettes, tentent d’apporter une manière « queer » de protester, avec une dimension festive, « frivole » mais offensive. On les retrouve dans certaines manifestations pour le climat ou encore dans des actions de blocage massif d’infrastructures fossiles organisées par Ende Gelände.

Mon amante est une rivière

Dans cet esprit de réappropriation de l’érotisme au sein de la lutte écologiste, deux militantes queer étasuniennes, l’actrice Annie Sprinkle et sa compagne Beth Stephens, ont créé le mouvement écosexuel, empreint d’une tonalité éroticohumoristique. Il s’agit de « se connecter aux éléments (eau, air, par exemple), aux espaces (forêts, montagnes, rivières) en les érotisant, en encourageant une mise en scène de l’amour et de la connexion par le biais de mariages ou d’accouplements », explique Cy Lecerf Maulpoix. Cela, notamment en organisant de grands mariages festifs et artistiques avec une montagne ou un cours d’eau. Rompant donc au passage avec les imaginaires de la « Terre Mère » pour donner à nos relations avec les éléments une tonalité plus amoureuse ou érotique… De quoi donner des idées ?

GG

(1) « Sensibilité climatique entre mouvance écoféministe et queer », Multitudes, no 67, 2017

Silence existe grâce à vous !

Cet article a été initialement publié dans la revue papier. C'est grâce à vos abonnements et à la vente de la revue que nous pouvons continuer à proposer des alternatives à la société consumériste et destructrice actuelle. Sans publicité, sous forme associative, notre indépendance et notre pérennité dépendent de votre engagement humain et financier !

S'abonner Faire un don Participer