Article Féminismes Travail

Bas les masques ! Le ras-le-bol des couturières exploitées

Danièle Garet, Martha Gilson

Après des semaines de travail gratuit pour fabriquer des masques, au sortir du confinement, des couturières disent stop. Leur activité avait pris des proportions dépassant de loin le simple bénévolat. Elles expriment des revendications légitimes, à replacer dans la perspective d’un changement radical de système économique.

Pendant le confinement, pour faire face à la pénurie de masques, de nombreuses femmes se mettent à en confectionner Parmi elles, des centaines de professionnelles, couturières ou costumières. Un « élan de solidarité » que les réseaux sociaux démultiplient rapidement et qui arrange bien un gouvernement qui n’a pas brillé par ses capacités d’anticipation tout au long de la pandémie.

Le bénévolat récupéré par l’État
Ces bénévoles, parfois professionnelles, souvent en chômage technique, ont accepté de travailler parfois 7 jours sur 7, de payer elles-mêmes les matériaux, afin de fournir des masques gratuits, d’abord aux personnels de santé, puis pour répondre à de multiples sollicitations. Enfin, quand les mairies se sont mises à faire appel à elles, un ras-le-bol s’est manifesté. Il est devenu intolérable de voir le bénévolat être récupéré par un État qui cherche à miner les solidarités. Intolérables, les injonctions à maintenir « l’effort de guerre », les volumes attendus gigantesques, les cadences de travail augmentant dans certains ateliers. Une forme d’industrialisation s’est parfois mise en place avec des entreprises fournissant des kits prêts à coudre et une mini-rémunération à la tâche, bien loin du Smic.

C’est ainsi que, fin avril 2020, naît le collectif Bas les masques !. Il rappelle que la couture est un métier, qu’il doit être rémunéré et exercé dans le respect du droit du travail. Des revendications légitimes et d’autant plus que, les métiers de la couture étant à 95 % féminins, c’est une fois de plus le travail des femmes qui s’est trouvé ainsi invisibilisé, rabattu dans la sphère de la gratuité.

Plusieurs luttes à mener de front
Dans une société où le salariat reste central, nous sommes bien entendu solidaires des femmes qui défendent leurs métiers et leurs emplois. Pour autant, dans la perspective de la décroissance et de la dé-marchandisation du monde, le modèle de l’entreprise et du salariat n’a rien d’une panacée. Il enchaîne les salarié·es à leurs fonctions de production et de consommation. Au niveau de la société, il ne favorise ni l’autonomie ni l’entraide. Toutefois, nous n’épuiserons pas ici l’épineuse question du caractère émancipateur ou aliénant du salaire ! Mais nous pouvons réaffirmer tout à la fois notre soutien aux luttes pour la revalorisation des métiers féminins, notre attachement au bénévolat indépendant de l’État et de ses récupérations, à la relocalisation des activités, aux coopératives de production auto-gérées et à faire avancer le thème du revenu universel de base.

Danièle Garet et Martha Gilson

Union.Baslesmasques@gmail.com
Dans une pétition mise en ligne le 28 avril 2020, le collectif réclame notamment la réquisition des ateliers nationaux (opéras ou théâtres) et privés ; que le gouvernement passe des commandes, c’est-à-dire paye les ouvrières plutôt que de payer des masques importés de Chine ou de Turquie.


Depuis, la surproduction !

Alors que, le 31 mars 2020, Emmanuel Macron fixait un objectif de monter la production à 10 millions de masques par semaine d’ici fin avril, cet objectif a été largement dépassé. Selon Bercy, la production aurait atteint 25 millions de masques hebdomadaires, par 450 entreprises. Environ 10 % d’entre elles se retrouveraient désormais avec des stocks sur les bras, aussi à cause de la concurrence des masques jetables vendus dans la grande distribution.

Silence existe grâce à vous !

Cet article a été initialement publié dans la revue papier. C'est grâce à vos abonnements et à la vente de la revue que nous pouvons continuer à proposer des alternatives à la société consumériste et destructrice actuelle. Sans publicité, sous forme associative, notre indépendance et notre pérennité dépendent de votre engagement humain et financier !

S'abonner Faire un don Participer