Attention à la solution miracle !
Ne nous y trompons pas, les médecines naturelles constituent aussi une niche économique… et il est préférable de nourrir notre corps d’aliments sains, locaux, vivants, plutôt que de le guérir a posteriori. La santé est une démarche quotidienne qui répond à des rythmes et besoins biologiques. Pour avancer vers la décroissance médicale, mieux vaut prévenir que guérir.
Que ton aliment soit ton premier médicament
Plaisir gustatif et bienfaits nutritifs : les graines germées, les huiles précieuses locales (noix, chanvre, cameline), les algues bretonnes, les salades aux plantes sauvages, en plus des légumes frais… sont des aliments vivants, riches en vitamines et minéraux, en fibres et en acides aminés. Ils peuvent couvrir nos besoins quotidiens. Les plantes sauvages sont beaucoup plus riches en force vitale qu’un légume cultivé, même bio, souvent gorgés d’eau et/ou cultivés sous serre, ce qui entraîne une baisse importante des éléments nutritifs. N’oublions pas non plus les légumes lactofermentés fait maison ou non pasteurisés, riches en pré- et probiotiques, garants d’une bonne flore intestinale à la base d’un bon système immunitaire.
Privilégier le local
Le choix de la pharmacopée végétale est large, très large. Doit-on avoir recours à des plantes venant d’autres continents ? La nature étant bien faite, tout est à notre porte (ou presque !). Cela permet de répondre en grande partie aux symptômes du quotidien. Alors, oublions l’harpagophytum, protégé depuis de nombreuses années et proche de l’extinction, les huiles d’argan… Il n’est pas nécessaire de se ruiner avec des baies de goji, du jus de grenade ou de l’acérola, ni même de la spiruline (même artisanale et locale, elle nécessite encore actuellement de l’azote chimique pour sa réalisation).
Attention au mode de production
Si vous devez acheter les plantes, sachez qu’elles aussi sont sujettes à la concurrence déloyale provoquée par la mondialisation : les plantes à bas prix ramassées par une main-d’œuvre sous-payée du Maroc ou des pays de l’Est de l’Europe sont monnaie courante… même en bio. Optez pour des productions répondant à un cahier des charges aux valeurs éthiques, sociales et environnementales, comme Simples ou Nature & Progrès. Derrière ces produits, il y a des passionné·es, des amoureu·ses des plantes, militant pour la reconnaissance de leur travail, qui risque d’être anéanti par les directives donnant tout pouvoir aux labos…
Résistons à la tentation des produits miracles, boycottons les labos, retrouvons notre autonomie, entraidons-nous car, oui, les plantes peuvent nous embellir et embellir notre vie.
Moutsie
Moutsie est ethnobotaniste et auteure de nombreux ouvrages sur les plantes, dont :
Récolter les jeunes pousses de plantes sauvages comestibles, Moutsie et Gérard Ducerf, éd. de Terran, 2015
Dentifrices, shampooings, pommades et cosmétiques, Moutsie et Pascaline Pavard, Edisud, 2015
L’Ortie, une amie qui vous veut du bien, Moutsie, Utovie, 2006
Avec son association L’Ortie, créée en 1998, Moutsie organise des sorties et des stages valorisant l’autonomie à partir du monde végétal, ainsi qu’une Fête des plantes sauvages qui aura lieu le 5 septembre 2020 dans l’Aude.
Contact :
tél. : 04 68 20 36 09
lortie.asso.fr
Pour aller plus loin :
- Silence no 342, janvier 2007, p. 32 : « Des plantes sauvages pour vous soigner »
- Silence no 364, janvier 2009, p. 16 : « À la découverte des plantes sauvages »
- Silence no 369, juin 2009, p. 30 : « Plantes sauvages : de consommateur, redevenons jardinier, cueilleur, cuisinier... »
- Silence no 441, janvier 2016, p.15 : « Moutsie nous fait redécouvrir la générosité de la nature »
Artemisia annua, un cas d’école
Le cas de l’armoise annuelle est très significatif : voilà une plante qui appartient depuis au moins deux mille ans à la pharmacopée chinoise et indienne, réputée pour son action contre le paludisme et qui est déconseillée fortement (voire interdite en France), par l’OMS et les autorités de santé, alors qu’elle est vendue librement en Allemagne, au Canada, etc., et bien entendu sur internet.
Le paludisme affecte 200 millions d’Africain·es par an, soit 92 % des cas recensés au niveau mondial. Plus de 400 000 personnes en meurent chaque année.
Les médicaments habituels pour traiter le paludisme (ou malaria, en anglais) sont la Chloroquine (Nivaquine), dérivé de la quinine extraite de l’écorce de Quinquina (arbuste d’Amérique du Sud), l’ Atovaquine-proguanil (Malarone) et, en première recommandation selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Artesunate et les ACT (Artemisinin-based Combination Therapy), tous deux fabriqués à partir de l’Artemisinine (molécule contenue dans la plante Artemisia annua). Ces médicaments luttent contre Plasmodium falciparum, parasite à l’origine du paludisme, mais celui-ci commence à s’adapter à ces monothérapies et de plus en plus de résistances émergent face aux ACT et à la Chloroquine.
Selon l’OMS, l’Artemisia annua, administrée sous forme de tisanes, risque d’accroître cette résistance de plus en plus préoccupante. Toutefois, aucune étude ne justifie cette position, d’autant plus que la plante est une polythérapie (sensée éviter ce risque de résistance), puisqu’elle contient 400 molécules dont 20 sont reconnues efficaces contre le paludisme. Elle apparaît donc comme une solution durable en Afrique, à la fois pour aider des villages isolés privés d’accès aux médicaments et pour contrer le commerce de faux médicaments. C’est un traitement peu cher qui crée une économie autonome et locale, tout en évitant la dépendance aux grandes firmes pharmaceutiques.
L’association La Maison de l’Artemisia et sa présidente Lucile Cornet-Verret mènent le combat pour faire reconnaître l’efficacité et l’innocuité de la tisane d’Artemisia annua. L’industrie pharmaceutique a isolé l’artemisinine, qu’elle a brevetée. Pourtant, une autre variété, Artemisia afra, soigne elle aussi le paludisme même sans ce principe actif.
Cette plante serait active sur bien d’autres maladies : tuberculose, bilharziose, ulcère de Buruli, cancers, etc. Des études aux normes de l’OMS sont nécessaires mais elles coûtent plusieurs millions d’euros, somme que ni l’OMS ni aucun laboratoire pharmaceutique n’est prêt à débourser pour une plante gratuite. C’est sur ce point que l’association se bat depuis 2014 et rassemble dans chaque pays d’Afrique subsaharienne des compétences médicales et agronomiques sur Artemisia annua et A. afra (1).
L’Agence du médicament, en réponse aux pressions des associations, dénonce une mise en danger des personnes malades. Mais ce qui interroge, c’est le manque d’études et le faible écho au travail des associations de terrain. La peur d’une concurrence aux médicaments déjà existants ?
Catherine Rulleau
(1) L’association déconseille formellement l’utilisation de la tisane d’Artemisia aux personnes de pays non impaludés et disposant des médications recommandées à ce jour par l’OMS.
Pour aller plus loin :
Artemisia : une plante pour éradiquer le paludisme, Lucile Cornet-Verret, Actes Sud, 2018
Maison Artemisia, 50 route de la Reine, 92100 Boulogne-Billancourt, tél. : 06 74 64 89 80, lcv@maison-artemisia.org, www.maison-artemisia.org
Action pour la médecine naturelle (Anamed) : des Africain·es qui œuvrent pour mettre à disposition des populations l’Artemisia ou le Moringa, afin de lutter contre la malnutrition. www.anamed-edition.com