Au risque d’entretenir le pessimisme ambiant, osons affirmer qu’il n’y aura pas de sursaut, pas de changement de cap. Chaque crise apporte le secret espoir que cette fois-ci, les dirigeant·es de la planète ont enfin compris les raisons profondes de nos tourments. Un bougisme malingre, une mondialisation qui privilégie la mobilité des biens pour mieux rejeter les personnes, un système économique en constante expansion faisant fi des limites naturelles, une concurrence échevelée qui fait de chaque personne un ennemi en devenir.
Les multiples décisions prises par ce gouvernement pendant et après le déconfinement apportent un éclairage cru sur la façon dont il envisage le « monde d’après ». L’honnêteté commande de ne plus s’attarder sur de vagues mots dont le lyrisme écologique cache mal le conservatisme de l’action. Mesures dérogatoires permettant aux petits chimistes d’épandre des pesticides à quelques mètres d’une habitation, possibilité offerte aux opérateurs de téléphonie mobile d’installer en dehors de tout cadre des antennes relais, versement de milliards d’euros aux compagnies aériennes et constructeurs automobiles sans aucune contrepartie, etc. cette liste n’est qu’une mise en bouche.
Le monde d’hier revient à la charge
Ce personnel politique qui est, directement ou indirectement responsable de cette crise est disqualifié pour préparer l’avenir. Enfermé·es dans leur dogmatisme, les décideu·ses d’hier retomberont inévitablement dans les facilités d’une doxa économique faite de croissance, PIB et autre dette à rembourser.
Mais ne nous y trompons pas. Sonné·es, ils et elles le sont ; mais ne lâcheront rien. Ils et elles vont, dans les mois qui viennent, jouer leur va-tout et s’affranchir une nouvelle fois des nécessités écologiques. Habillement, ils et elles activeront l’ensemble des ressorts qui leur ont permis de dominer. Un discours, une réunion, un rapport, une loi, une répression… options qui ont maintes fois apporté la preuve de leur efficacité pour assourdir la contestation. Un homme ou une femme averti·e en vaut donc deux, dix, mille. L’heure est aux décisions courageuses. Plus aux analyses, diagnostics et autres mesurettes dont l’objet est de remettre à jamais ce qui aurait du être décidé il y a déjà plusieurs décennies.
Stéphen Kerckhove