Les autorités militaires, très rapidement, ont pris les devants face au risque de voir le budget des armées servir de variable d’ajustement, comme cela a été le cas à plusieurs reprises par le passé. Elles ont immédiatement allumé des contre-feux, profitant à plein du discours martial du président Macron : « Nous sommes en guerre », martelé à de nombreuses reprises et amplifié par les médias, avides de métaphores militaires pour commenter la pandémie.
La moindre mise à disposition de soldats, actions de l’armée, s’est faite sous l’œil des caméras et des stylos des correspondant·es de la presse quotidienne… Combien d’articles, par exemple, pour le déploiement à Mulhouse de cet hôpital de campagne avec… 30 lits militaires ! De plus, à cette communication tous azimuts, est venu se greffer de nombreuses actions de lobbying des acteurs de l’industrie militaire, notamment pour reprendre le plus rapidement possible leur activité mortifère, pas question de perdre des marchés juteux !
Ce recours de plus en plus systématique au registre guerrier face à la moindre épreuve collective (catastrophe naturelle, problèmes économiques, épidémie, actes terroristes, accidents industriels, etc.) entraîne une confusion dangereuse qui vient banaliser une vision sécuritaire et répressive au détriment d’une mobilisation solidaire. Certes l’armée dispose de certains matériels et compétences pour faire face à l’urgence d’une situation… En même temps il s’agit de moyens disproportionnés et onéreux, bref inadaptés. Alors que les services d’urgence, de la protection civile, des pompiers, ont beaucoup de mal à obtenir les équipements et les personnels nécessaires pour accomplir leur mission…
L’opération Résilience est annoncée en grandes pompes le 25 mars 2020. Présentée comme l’opération militaire dédiée à la lutte contre l’épidémie de Covid-19, dans les faits, les dispositifs militaires sont aujourd’hui incapables de gérer une crise sanitaire : cette opération vise avant tout à renforcer leur place dans la société, les présenter comme indispensable…
Démilitarisons « le jour d’après »
Toujours est-il que la stratégie des autorités militaires a été payante puisque non seulement il n’y a pas eu remise en cause publique des dépenses militaires et de leur inutilité, mais dans le cadre des ajustements budgétaires opérés par le gouvernement, aucune contribution n’a été prélevée sur le budget des armées pour abonder les besoins sociaux ! Les industriels et les armées espèrent même que le plan de relance qui s’élabore pour la rentrée viendra leur octroyer des crédits supplémentaires.
Ce qui est le plus grave, c’est l’absence d’interrogation à ce propos dans les nombreux appels pour que le « jour d’après » soit différent, soit meilleur. Car cela nécessite une remise en cause globale qui prenne en compte non seulement la question sociale et climatique, mais également la question militaire dont l’impact sur notre organisation sociale, sur l’économie et sur l’environnement est très important…
Patrice Bouveret,
Observatoire des armements