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Rencontre avec les Sauvages de Caen

Manon Salé

Bande de Sauvages est une association centrale dans la ville de Caen, dans le Calvados. Très ancrée dans le territoire, elle anime la vie sur place en diffusant un message d’ouverture et de bienveillance, notamment grâce à son café auto-géré et son restaurant participatif.

Fiche identité :
Localisation : Caen
Création : 2012
Statut : associatif
Activités principales : Café sauvage, Sauvages sur un plateau, Flotte sauvage
4 salarié·es, 10 co-président·es élu·es pour 1 an, nombreux bénévoles

Comment habiter à Caen sans avoir entendu parler de Bande de Sauvages ? De par sa taille et son programme, difficile de passer à côté de l’association ! Elle est surtout connue pour ses trois activités majeures (que les Sauvages appellent ’’expériences’’ entre eux) : le Café sauvage, Sauvages sur un plateau, et la Flotte sauvage. « On utilise le cadre juridique de l’association pour expérimenter des projets » explique Timothée, co-président et également co-fondateur de Bande de Sauvages Tous les projets ne marchent pas, mais on en tire du savoir à chaque fois ».

Une grande diversité d’activité

Le Café sauvage est un espace auto-géré en centre ville, basé sur le bénévolat, qui s’écarte du modèle de consommation à tout prix. Une foule d’activités y est organisée quotidiennement : des petits-déjeuners concerts, de la danse, des cafés linguistiques, de la méditation, etc. Il y en a pour tous les goûts !
Sauvages sur un plateau est un restaurant coopératif, qui se situe dans un quartier populaire plus excentré, à la Grâce de Dieu. Là, pas d’auto-gestion : les salariés encadrent les bénévoles, qui doivent être formé·es avant de travailler, « pour des raisons d’hygiène surtout », indique Violaine, salariée et co-fondatrice de l’association. Mais le fonctionnement reste très horizontal. Tout comme au café, une multitude d’activités sont proposées au restaurant : on y trouve 1 à 3 ateliers gratuits et un événement culturel par semaine.
Enfin, la Flotte sauvage est constituée de deux voiliers. L’association propose de faire découvrir aux curieu·ses la navigation à travers des sorties à la journée ou des croisières, et des ateliers participatifs. Les intéressé·es peuvent s’acquitter d’une cotisation annuelle ou d’un tarif conseillé par sortie, afin de participer à l’entretien des bateaux et aux frais portuaires.
À cela s’ajoute d’autres activités, comme l’AMAP Sauvage, ou la Radio sauvage, actuellement en pause, en attendant que des personnes motivées reprennent les émissions. Bande de Sauvages possède également un terrain sur les bords de l’Orne, espace d’expérimentation en construction, ouvert à tout type de projet.
Par ailleurs, Bande de Sauvages conseille et forme les personnes désirant se lancer dans des projets associatifs divers. Par exemple, l’idée de Caenpousse, un jardin partagé présent sur un des campus universitaire de Caen, ou encore l’école démocratique Yvonne Guégan ont vu le jour dans les locaux du Café sauvage.

Penser la société autrement

À l’origine, « ce sont des gens à Caen qui faisaient des trucs dans leur coin, et qui à un moment ont eu l’idée de monter une association » raconte Timothée. « On avait envie d’agir concrètement sur la société ». Pour Violaine, « les objectifs du développement durable présentés par l’Union Européenne, on ne s’y retrouvait pas. On voulait faire des trucs ensemble, et ne pas foutre en l’air la planète ». Le terme Sauvage, dans le nom de l’association, est inspiré en partie de l’oeuvre de Masanobu Fukuoka, un des ancêtres de la permaculture (1). Mais il renvoie également à un côté incivilisé : « c’est la part sauvage issue de la nature. Ça réfère au respect de la vie », indique Timothée. Bande de Sauvages défend des valeurs de non-violence, d’entraide et de partage. Il s’agit de mener un projet sociétal, sans pour autant lutter de manière frontale contre les normes instaurées. Ainsi, l’association ne s’affiche pas d’un bord politique particulier. Ces valeurs défendues par Bande de Sauvages et le travail effectué pour les appliquer lui ont permis de recevoir l’agrément de jeunesse et d’éducation populaire.

Un fonctionnement collectif souple

La structure de l’association est pensée comme une multitude de cercles qui s’entrecroisent. Au centre, se trouve le conseil d’administration. Ce dernier est composé de 10 co-président·es, élu·es pour un an par les membres de Bande de Sauvages. « Le conseil se réunit tous les mois environ. Ensuite, il existe un comité de pilotage par expérience, qui font leurs propres réunions », détaille Violaine. Ces derniers décident notamment des ateliers et événements qui auront lieu dans leurs expériences respectives. La méthode privilégiée pour prendre une décision à Bande de Sauvages ? Le consensus ! « On a utilisé le vote pour départager que 2 fois en 8 ans d’existence » sourit fièrement Timothée.
Ces bases permettent à l’association de s’adapter selon ses besoins et envies. L’exemple du Café sauvage témoigne bien de cet état d’esprit : d’abord mobile, dans une caravane, il a élu domicile en centre ville de Caen, avant de redevenir nomade, puis de s’installer près de l’Orne. Cette année, le café va de nouveau déménager dans un autre lieu, au cœur de la ville. « On se permet une grande souplesse », affirme Violaine. « On ne s’y retrouvait plus Place du 36e régiment d’infanterie, donc on déménage ». Et Timothée de rajouter : « Comme on n’a pas d’objectifs de long terme absolu, on est assez mobiles. Du coup, on n’est fermé à rien, pas une forme, pas un lieu, pas un type d’organisation interne ». Aujourd’hui, Bande de Sauvages compte quatre salarié·es, dont deux en CDI, tou·tes rattaché·es au restaurant participatif. Ils et elles ont pour mission d’assurer les tâches administratives, l’encadrement des bénévoles sur place, la communication et la continuité avec les partenaires. Un à deux séminaires sont organisés par an pour les acti·ves qui le souhaitent, sur deux jours, afin de maintenir de la cohésion au sein de l’association.

L’ouverture comme maître mot

Bande de Sauvages est pensé de façon à ce que chacun·e puisse y trouver sa place, peu importe son âge, son origine, son bord politique ou encore son activité. Sauvages sur un plateau accueille plus de 200 bénévoles par an. Parmi eux, des migrant·es, des étudiant·es, des retraité·es, des personnes handicapées (le restaurant travaille par exemple en lien avec le Centre de Ressource de l’Ouïe et de la Parole à Caen et des instituts médicaux), des chômeu·ses, des membres des squats de Caen, des personnes en reconversion. À cela s’ajoute les stagiaires, les volontaires en service civique et les personnes en Travaux d’Intérêt Général. « On a un planning en libre disposition pour s’inscrire sur des créneaux de permanence : on ne sait pas à l’avance avec qui on va se retrouver, ni qui est qui », explique Violaine. « Donc pas de stigmatisation ! » Au sein même du café et du restaurant, les équipements répondent aux besoins d’une population très variée. Au Café sauvage, on trouve une douche et une machine à laver à prix libre. À Sauvages sur un plateau, les personnes peuvent profiter entre autres d’une boutique gratuite, espace de troc et de récupération de biens en tout genre (vêtements, jeux, chaussures, etc.). Les tarifs proposés pour les boissons et les aliments sont soit libres, soit compris dans une fourchette, avec une indication du prix minimal et maximal. C’est le cas pour les repas du midi.

Afin de communiquer avec le plus grand nombre, l’association s’appuie notamment sur son site internet. « Communiquer, c’est la base pour faire savoir aux gens comment on marche », affirme Violaine. « Par contre, on ne fait pas la course à la communication, on rend juste les informations disponibles. On n’a pas une démarche de promotion. » Le site est couplé avec des tracts et des programmes qui présentent Bande de Sauvages et ses activités. Le reste, d’après Timothée, « c’est beaucoup du bouche à oreille, du réseau ».

« On devient un bel arbuste, avec plein de branches »

Aujourd’hui, l’association est connue et reconnue à Caen. Elle est très présente dans la vie de la ville en général. Elle a tissé des liens avec de nombreuses structures caennaises. Par exemple, Sauvages sur un plateau a des partenariats avec la maison d’arrêt de Caen, le musée des Beaux Arts, l’école nomade, le Comité Régional d’Étude pour la Protection et l’Aménagement de la Nature, l’université de Caen Normandie, Médecins du monde, ou encore la bibliothèque municipale.
Le restaurant est également très implanté dans la vie de son quartier. « Quand on est arrivé au restaurant en 2017, on nous a dit : attention, c’est un quartier prioritaire, donc sensible » se rappelle Violaine. « Donc on a été rencontrer les gens sur place. On les a écouté. On a été dans les réseaux associatifs locaux. Du coup, on a de supers liens dans le quartier ». Financièrement, l’association tient la route. Sauvages sur un plateau est l’expérience qui génère le plus de revenu, mais cela ne suffit pas toujours à couvrir toutes les dépenses. Bande de Sauvages s’appuie donc également sur des subventions publiques, qui financent environ 25 % de son activité. Le reste est couvert par les différentes prestations rémunérées hors les murs, lors d’événements ponctuels (participation au festival Eclat(s) de rue à Caen, ciné-débats, etc.). Violaine et Timothée comparent Bande de Sauvages à une plante, qui s’adapte à son environnement et qui trouve son chemin malgré les normes sociétales et politiques. « Mais là », conclut Timothée, « on devient un bel arbuste, avec plein de branches ! »

Manon Salé

Bande de Sauvages
https://www.bandedesauvages.org/
Café Sauvage – 9 Place du 36e Régiment d’Infanterie, 14000 Caen (l’adresse peut être amenée à changer)
Sauvages sur un plateau – 4 Place du commerce, 14000 Caen (adresse administrative de l’association)
Flotte sauvage – Port de Ouistreham 14150 et port de Diélette (Tréauville) 50340

Autres :
École démocratique Yvonne Guégan - 22 rue Géo Lefèvre 14000 Caen France
Caenpousse - Cité universitaire « Les Tilleuls » 23 avenue de Bruxelles 14000 Caen

(1) Masanobu Fukuoka est l’auteur de nombreuses œuvres sur la permaculture, dont La Révolution d’un seul brin de paille : Une introduction à l’agriculture sauvage, paru en 2005 chez Guy Trénadiel Éditeur. Selon lui, il est nécessaire de laisser faire la nature, sans chercher à la cadrer à tout prix. Cette pensée se ressent dans la philosophie de Bande de Sauvages, qui souhaite garder une grande souplesse dans son organisation.

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