Goutte à goutte, l’eau glisse dans des filtres emplis d’une poudre grisâtre, "de la racine de renouée du Japon broyée et séchée", précise Armelle, toute de blouse blanche vêtue. Installé dans un conteneur au milieu des châtaigniers, son petit laboratoire pompe le flot d’une cascade. Depuis plus de trente ans, une usine de traitement à la chaux épure les centaines de litres qui suintent en continu des galeries minières. Générant des tonnes de boues toxiques, dont les industriel·les ne savent plus que faire. Mais une solution pourrait bien sortir du conteneur d’Armelle. La jeune femme observe le mince filet qui s’écoule de ses filtres végétaux : "L’eau qui sort n’est plus polluée, indique-t-elle, car la plante absorbe les métaux".
"Même mortes et broyées, les racines gardent leur capacité d’absorption"
"Les systèmes racinaires des plantes aquatiques sont adaptés à vivre dans l’eau, où les nutriments sont très dilués", explique Claude Grison, directrice du laboratoire de chimie bio-inspirée et innovations écologiques du CNRS, à l’origine du projet. "Elles ont donc une structure physico-chimique qui leur permet de capter un maximum de nutriments". Comme les métaux ressemblent aux nutriments, ces végétaux assimilent aussi les polluants. "Chaque espèce a sa “spécialité”", précise la chercheuse. C’est ce qu’on appelle une phytotechnologie. Mais ces techniques restent peu employées, en raison notamment d’un manque de retour d’expérience. Pourtant, les besoins sont là : notre pays compte plus de 310 000 sites industriels, en activité ou non, dont certains génèrent des pollutions importantes en hydrocarbures, métaux lourds ou solvants.
"On s’est rendu compte que même mortes et broyées, les racines gardaient leur capacité d’absorption", explique la chimiste. Une bonne nouvelle, car il est bien plus aisé de dépolluer des milliers de mètres cubes d’eau avec de la poudre végétale qu’avec des plantes vivantes en grande quantité.
Un système vertueux
Le chemin s’annonce encore long afin de créer une filière viable mais une première pierre a été posée : dans le conteneur d’Armelle, à Saint-Laurent-le-Minier, un prototype capable de traiter 7 m³ par heure est en cours de test. Le maire suit de loin les essais en cours, avec un espoir, "trouver une solution durable" pour remplacer le système de traitement à la chaux.
"La pollution n’est pas une fatalité, on peut transformer un cercle infernal en démarche positive", croit Claude Grison. "Les plantes pleines de métaux peuvent servir de catalyseurs pour les réactions chimiques", explique-t-elle. Une fois broyées et passées par un traitement thermique qui élimine la cellulose – "sans aucun intrant", assure la scientifique – les racines ou feuilles donnent une "poudre activée" qui permet de booster la fabrication de produits cosmétiques, pharmaceutiques ou même plastiques.
Texte initialement publié sur Reporterre