Dans une première partie, Boris Pijuan trace une synthèse de ce que l’on connaît des limites actuelles de la planète : le pic de production du pétrole et la nécessité d’en laisser une partie dans le sous-sol pour ne pas trop réchauffer l’atmosphère, mais également les limites d’exploitation de très nombreux matériaux. Plus le pétrole est difficile à extraire, plus il faut de matériaux ; plus les matériaux manquent et plus il faut de pétrole pour se les procurer. Il montre l’impossibilité de continuer le productivisme alors que le climat n’en peut déjà plus. Comment la croissance renforce les inégalités, comment les fausses solutions (géo-ingénierie, smart-grid) ne servent qu’à tenir des discours lénifiants, comment la démesure des mondes occidentaux atteint maintenant des limites. Il appuie sa démonstration sur les travaux de très bons auteurs (Serge Latouche, Jean Gadrey, Paul Ariès, Philippe Bihouix, Rob Hopkins…) et conclut en présentant ce que pourrait être une société sobre et décroissante.
Commence alors le travail le plus original : essayer de comprendre comment on déconstruit le mythe de la croissance, comment on doit aller vers un système alliant biens gratuits, taxation des dépassements, rationnement, comment il faut réfléchir à un autre mode de vie, une autre relation au social. Il s’appuie sur des notions philosophiques (Hans Jonas, Michel Onfray) pour aborder des questions comme la résilience, la responsabilité, la transition. Il insiste enfin sur la nécessité d’être en accord avec le changement que l’on veut. Il termine en rappelant que si le changement est difficile c’est d’abord parce que les élites, qui décident, sont les dernières à subir l’effondrement en cours, mais aussi parce que psychanalytiquement, nous sommes devant un changement d’imaginaire aussi fort que les trois précédents mis en avant par Freud : l’homme n’est pas au centre du monde (Copernic), l’homme est un animal qui a le même ancêtre que le singe (Darwin), l’homme ne décide pas tout en conscience (Freud). Le changement à intégrer maintenant est que nous sommes dans un monde fini. Il appelle à une compréhension de l’humain pour aller au-devant des autres et non pas contre les autres. Que chacun·e soit une étoile qui brille dans le ciel.
Après sa lecture, les questions soulevées dans ce livre vous habitent longtemps. Pas de recette miracle, mais beaucoup de réflexions. Stimulant. MB
Éd. Libre et Solidaire, 2019, 280 p., 19,90 €
Sobriété et décroissance : redonner un sens à la vie de Boris Pijuan
Silence existe grâce à vous !
Cet article a été initialement publié dans la revue papier. C'est grâce à vos abonnements et à la vente de la revue que nous pouvons continuer à proposer des alternatives à la société consumériste et destructrice actuelle. Sans publicité, sous forme associative, notre indépendance et notre pérennité dépendent de votre engagement humain et financier !