Les smartphones sont en première ligne : 46 % du marché du numérique (plus d’1,5 milliards d’appareils vendus en 2018, prévision de plus de 5 milliards d’utilisateurs en 2020), une obsolescence directe et indirecte de plus en plus rapide (aujourd’hui en moyenne moins de 2 ans !), et pas de filière de recyclage spécifique.
L’extraction minière : le cœur du numérique
« Le point nodal du danger écologique (…) des smartphones est l’extraction d’une grande variété de métaux », comme le démontre Françoise Berthoud, ingénieure recherche CNRS , fondatrice d’EcoInfo et membre du groupe de travail du Shift Project (Rapport final- Octobre 2018). Aujourd’hui, « un smartphone contient 50 métaux rares pour mettre en œuvre de nouvelles fonctionnalités : il faut arrêter de penser que cela est dématérialisé ! ». La multiplication des mines d’extraction et la complexification de la chaîne logistique sont des atteintes écologiques en termes de dégradation environnementale et humaine. On se rappellera d’abord les conditions de travail dans les mines, souvent zones de conflit armé ou zones dites instables… souvent aussi des écosystèmes sensibles)
Au seul niveau des ressources matérielles, on entrevoit déjà l’atteinte du pic de disponibilité de certains métaux rares, et en aval soit une non-recyclabilité technique (beaucoup d’entre eux sont faiblement recyclables : par exemple, le taux de recyclage de l’indium, du gallium, du tantale et du germanium est inférieur à 1 %) soit une recyclabilité peu efficace. En effet le recyclage devient plus difficile au fil de l’augmentation du nombre de métaux présents dans un composant et de la diminution de leurs concentrations. Aujourd’hui dans le meilleur des cas 20 métaux sont recyclés pour un smartphone, et d’ailleurs seulement 15 % de smartphones sont recyclés à ce jour. Ce sont des bombes à retardement, avec impasse technologique puisque la technologie demande toujours plus de métaux de plus en plus rares et que la croissance des besoins ne ralentit pas. Ceci d’autant plus que nombre de ces métaux sont également utilisés dans de fortes proportions pour la production des équipements nécessaires aux énergies renouvelables (éolien, solaire).
Bref, il faut comme ailleurs caractériser les impacts environnementaux sur l’intégralité du cycle de vie et non de manière partielle : avec les smartphones il est encore plus erroné de limiter la matérialité des équipements à la seule réalité perceptible par l’utilisat·rice, celle d’un produit fini d’un encombrement minimal.
Consommation d’énergie et émissions de CO2 : accélération à tous les étages
Sur ce volet, l’accélération est à tous les niveaux : nombre d’utilisations d’Internet et des réseaux sociaux, temps moyen passé sur Internet, réseaux sociaux et jeux (passé de 3 à 7 heures par jour en 10 ans, de plus en plus sur smartphone), extension des capacités techniques pour de plus en plus d’applications téléchargées et surtout de vidéos et de jeux énergétivores. On est passé d’une empreinte de 21 kg de CO2 pour un iPhone 3 à 80 kg pour un iPhone 6 et 93 kg pour un iPhone X ! Car à la fabrication en soi des smartphones, il faut ajouter leur consommation énergétique (directe et indirecte à travers les centres de données et les réseaux) qui peut être estimée à près d’un tiers de la consommation de l’industrie numérique. « L’essentiel de la croissance de ces flux de données est attribuable à la consommation des services fournis par les ’GAFAM’, à tel point que celle-ci peut représenter 80 % du trafic écoulé sur le réseau de certains opérateurs. Cette augmentation du trafic s’accompagne d’une augmentation du volume de données stockées dans les centres de données, tirée par les approches ’Cloud’ et ’Big data’ encore plus importante : +40 % par an » (2).
Au rythme actuel, l’émission de gaz à effet de serre de la chaîne de production et d’utilisation des seuls smartphones atteindrait en 2030 le niveau de l’industrie automobile, autour de 8 % des émissions mondiales.
La 5G (5e génération de technologie réseau mobile) est poussée par tous les industriels du secteur et les gouvernements. Les standards pour la téléphonie mobile (3G, 4G et maintenant 5G) précisent sur quelles fréquences radios et quelles antennes sont échangées les données de la technologie mobile, la puissance du débit d’émission et de réception. Depuis la 4G, durant les appels, la voix ne circule plus sur le réseau téléphonique commuté (RTC) (comme c’est actuellement le cas lorsqu’on passe un coup de fil depuis un téléphone fixe ou un mobile) mais directement sur internet (voix sur IP) par exemple. En dépit de dangers explicites quant à la santé humaine et l’environnement (multiplication des antennes et relais), et au recul conséquent de la sécurité sur nos données personnelles combiné à des capacités de surveillance augmentées… (3). La 5G entraînera une augmentation considérable de l’exposition au rayonnement de radiofréquence, qui s’ajoutera au rayonnement induit par les réseaux de télécommunications 2G, 3G et 4G déjà en place. En plus d’une absence de réelle démonstration d’utilité sociale autre que la croissance de l’ ’Internet des objets’ (un peu comme on justifierait le nucléaire par l’augmentation naturelle et prévisible de la consommation d’électricité !), la 5G c’est déjà très concrètement demain le commerce du renouvellement de tous les smartphones existants et de toutes les infrastructures pour la supporter (millions d’antennes relais, développement des serveurs, et chiffres avancés de 20 000 satellites rajoutant à la pollution satellitaire …).
Laissons Françoise Berthoud conclure : « le recyclage n’est pas une véritable alternative. La seule solution est de sortir de cette logique de surconsommation technologique. (…) Si vous adoptez la sobriété, vous en viendrez naturellement à l’appliquer au numérique. A condition bien sûr d’être conscient de son impact… ».
Jean-Jacques Devic
(1) Rapports de La Revue Durable, n°49, 2013, puis n°63 Automne Hiver 2019. Pour seul exemple des émissions, l’impact des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication, incluant : M2M – connections Machine à Machine –, centres de données, smartphones, téléviseurs, serveurs en réseau, autres dispositifs…) est passé en 6 ans seulement de 2 à 4% des émissions mondiales (chiffres 2018).
(2) Chiffres 2017- Shift Project
(3) Appel International demandant l’arrêt du déploiement de la 5G sur Terre et dans l’espace.
• EcoInfo : www.ecoinfo.cnrs.fr /
• Shift Project : https://theshiftproject.org/lean-ict/
• « La face cachée du numérique », ADEME, novembre 2018.
• La Revue Durable, n°63, automne hiver 2019, « Technologies numériques : en finir avec le capitalisme de surveillance ».
• Appel international demandant l’arrêt du déploiement de la 5G sur Terre et dans l’espace, février 2019
Mobilisations contre la 5G !
Les collectifs se multiplient pour dénoncer la mise en page imposée d’un réseau 5G. Les associations sont déjà bien structurées en Suisse avec le collectif STOP5G. En France, une pétition contre la 5G avait récolté fin 2019 120 000 signatures, et à l’initiative d’Agir pour l’environnement et de PRIARTEM, une dizaine d’associations appellent à un moratoire sur le développement de la 5G.
France : Association Agir Pour l’Environnement, 2 rue du Nord, 75018 Paris, tél : 01 40 31 02 37 ; PRIARTEM (Pour rassembler, informer et agir sur les risques liés aux technologies électromagnétiques), 5 Cour de la Ferme Saint-Lazare, 75010 Paris, tél : 01 42 47 81 54, www.priartem.fr
Suisse : STOP 5G, https://www.stop5g.ch, stop5g.ch@gmail.com