La Mobilité en questions, sous la direction de Michel Bierlaire, Vincent Kaufmann et Patrick Rérat, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2017. Mettre l’image de la jaquette.
Réduire la vitesse ?
Cette mesure a des effets avérés sur la fréquence et la gravité des accidents routiers en particulier. « À une vitesse égale ou inférieure à 30 km/h, les piétons ont 90 % plus de chances de survivre à un accident, alors que les chances de survivre à un impact à une vitesse supérieure ou égale à 45 km/h se réduisent à moins de 50 % », constatent Ander Audikana et Stefan Binder (p.29). Concernant la pollution, ce n’est pas si automatique. Les émissions sont minimales pour une vitesse constante entre 40 et 90 km/h, et réaugmentent à 20 km/h.
Légende de photo (Odense centre-ville) : À Odense (176 000 habitant·es), au Danemark, la création de « zones environnementales » à vitesse réduite dans le centre-ville et dans deux aires résidentielles, combinée à de l’information, a permis la réduction du trafic de circulation de 35 % et augmenté de 62 % la part modale du vélo dans les zones affectées par la mesure.
Mettre en place des péages urbains ?
Le péage urbain consiste à facturer l’accès au centre-ville aux automobilistes. Il en existe à Singapour, Rome, Londres, Stockholm ou encore Milan. Antonin Danalet et Ander Audikana expliquent (p.58) qu’à Stockholm, cette mesure, peu populaire au départ, a bénéficié après sa mise en place en 2006 d’un soutien croissant de la population. Les raisons : une augmentation de la fluidité du trafic pour les automobilistes, un changement des modes de déplacement qui s’est fait en douceur pour les autres. Et au final, 20 % de trafic en moins. Cette mesure favorise les plus riches dans l’accès à la ville en automobile… mais, à Londres comme à Stockholm, elle a permis de financer l’amélioration des réseaux de bus.
Limiter les places de stationnement ?
Cette mesure, moins célèbre que d’autres, est pourtant d’une efficacité assez redoutable pour inciter à abandonner la voiture afin de se déplacer en ville. « La disponibilité d’un stationnement assuré sur le lieu de travail est le facteur principal pour expliquer le choix de la voiture parmi les individus disposant personnellement d’une voiture, quelle que soit la qualité des alternatives à l’utilisation de l’automobile », expliquent Daniel Baehler et Vincent Kaufmann (p.72). Un tram menant de chez soi au travail aura bien moins d’effet que l’absence de place pour se garer. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : quand une place de parking est garantie à son travail, 90 % des pendulaires viennent en voiture. Dans le cas inverse, ce chiffre descend à 54 % à Grenoble, 41 % à Toulouse et 13 % à Berne !
Au niveau des places de stationnement à domicile, on constate qu’un éloignement de 500 m du domicile fait déjà baisser la fréquence de l’usage de la voiture. La législation se doit d’évoluer pour permettre de construire des habitats moins riches en places de parking.
Concernant les places de stationnement dans l’espace public, de nombreuses villes jouent sur ce levier pour diminuer le trafic, en imposant des tarifs élevés et des durées limitées. Si elle est assez efficace, cette mesure est susceptible de faire dévier les habitudes des usag·ères vers des commerces et activités en périphérie de ville, sans renoncer à leur voiture. D’où l’importance de marier cette mesure au développement d’alternatives attractives pour se déplacer en ville.
Légende de photo (« Oslo city hall ») : Oslo s’est engagée à bannir d’ici 2020 les voitures de son centre-ville, où elles prennent « une place disproportionnée » selon sa responsable du développement urbain Hanna Marcusen. Sept cents places de stationnement sont supprimées, certaines rues sont piétonnisées, le prix des péages urbains augmente, 6 km de chaussée sont remplacés par des pistes cyclables. Depuis juin 2018, il est devenu impossible d’accéder à l’hôtel de ville en voiture. Objectif de la commune : moins 95 % d’émissions de CO2 d’ici 2030.
Légende de photo (« Parking d’entreprise ») : À Bruxelles, à partir du 1er juillet 2019, les places fixes réservées aux entreprises dans les parkings publics ne sont plus renouvelées afin de limiter le nombre d’automobiles utilisées pour se rendre au travail chaque jour (200 000 aujourd’hui).
Densifier la ville ?
« Plus la ville est dense, plus la consommation de carburant est faible », alors que les villes très étalées voient cette consommation s’envoler, notent Sébastien Munafó et Michel Bierlaire (p.124). De plus courtes distances et une dépendance moindre à la voiture peuvent expliquer ce constat. Cependant, cette faible mobilité locale serait contrebalancée par une augmentation des voyages durant les fins de semaine et les vacances pour échapper à la densité urbaine et trouver calme, détente et espace. Or, la mobilité de loisirs tend à être supérieure aujourd’hui à la mobilité due au travail ou aux achats. Mais ce constat est lui-même nuancé par le fait que les habitant·es des centres urbains prennent beaucoup plus le train pour leurs loisirs et vacances que les périurbains, qui utilisent presque exclusivement la voiture. Ce sont donc les habitant·es des territoires périurbains ou ruraux qui restent au final les plus gros·ses consommat·rices de carburant pour se déplacer, et la ville densifiée garde tout son sens.
• Développer les infrastructures cyclables
Le fait de développer pistes cyclables, parkings à vélo et autres double-sens cyclistes a un impact sur le développement du vélo comme mode de transport, limité jusque-là par un manque criant de place et de sécurité au milieu du trafic automobile.
• Organiser la mixité fonctionnelle
Limiter l’éloignement contraint entre lieu de résidence et lieu de travail a un impact sur les trajets effectués quotidiennement en voiture. L’urbanisme et la production de logements sont ici mobilisés pour éviter au mieux de tels grands écarts subis, qui impliquent des déplacements pendulaires.
• Augmenter les contraintes à la circulation
Créer des contraintes à la circulation automobile via sens uniques, ralentisseurs, voies réduites, etc., rend celle-ci si inconfortable que son usage décroît. Cette mesure est moins discriminante économiquement que le péage urbain.