Comment agir ensemble lorsque l’on est concerné·es par différentes oppressions sociales (sexiste, raciste, etc.) ? À quelles conditions est-il possible d’agir de concert lorsque l’on ne se trouve pas du même côté de la ligne de domination (hommes/femmes, colonisateurs/ colonisés, valides/invalides, etc.) ? Avec une clarté remarquable, Juliette Rousseau explore dans ce livre les multiples manières dont, dans différents contextes, des collectifs militants s’appliquent à « nouer d’autres complicités », de Notre-Dame-des-Landes à la Palestine, du Royaume-Uni à la France, des luttes féministes aux luttes écologistes et antiracistes. Partie à la rencontre des ces collectifs engagés pour le climat ou contre la lesbophobie, elle en tire des analyses nourrissantes sur la manière d’ « articuler nos espaces sans entamer nos autonomies », sur la manière dont des groupes de dominé·es se prémunissent d’une prise de pouvoir de dominants bien intentionnés sur leur lutte, sur les façons de ne pas entrer en compétition entre personnes concernées par différentes oppressions. Une réflexion importante pour situer ses propres privilèges par rapport aux autres (« Il ne me semble plus possible aujourd’hui de prétendre énoncer une parole politique légitime sans jamais la situer »), pour agir en allié·e sans être aliénant·e. Un espace de lutte mixte gagnera ainsi à se structurer autour de la reconnaissance des oppressions en son sein. Une réflexion personnelle et collective nécessaire en préalable à toute possibilité de « convergence des luttes ».
Éd. Cambourakis, 2018, 430 p., 22 €