Changer en investissant les conseils municipaux, ne marche que si on se retrouve dans la majorité... (2) ce qui suppose d’être capable de mobiliser beaucoup de gens. Les exemples où cela fonctionne un minimum, comme Saillans (3), sont souvent des petites communes. La conquête d’une mairie est d’autant plus efficace qu’auparavant se sont développés associations, collectifs, écolieux... Cela permet de bénéficier d’un contexte favorable et permet d’expérimenter des ruptures plus importantes. Pour Christian Araud, « il faut s’attaquer à des petites municipalités ou aller renforcer des municipalités où le maire est déjà un adepte de la libération du territoire de l’emprise du capitalisme néolibéral ».
Travailler sur le terrain municipal permet de s’adresser à tout le monde, mais implique des temps de changement souvent beaucoup plus longs. La vitesse de changement est liée à un équilibre entre démocratie et urgence écologique.
Ne pas se faire d’illusions
Emmanuel Daniel doute de l’efficacité d’une telle démarche : « Rien ne sera possible tant qu’on sera prisonni·ères de l’économie. Il ne faut pas se faire d’illusions. Si l’on pense changer la vie en prenant la mairie, on risque de tomber de haut. Vandoncourt dans le Doubs, se veut autogéré depuis les années 70, moment où une liste citoyenne a pris la mairie. Les habitant·es passent toujours le plus clair de leur journée à bosser pour payer leur loyer, leur bagnole et leur emprunt, et participent aux diverses commissions et votations quand ils et elles ont le temps. De ce que j’ai pu constater lors de mon passage sur place, la démocratie directe n’a pas bouleversé leur quotidien qui n’est pas foncièrement différent de celui d’un autre village de la région. Par ailleurs, j’en profite pour glisser aux défenseurs d’une démocratie directe et plus précisément du Référendum d’initiative citoyenne (RIC) qu’une mesure similaire existe en Suisse et est totalement compatible avec le capitalisme sauvage et le racisme qui règne dans ce pays ».
Tester l’échelon local plutôt que le bouder
Faut-il pour autant renoncer à transformer la vie communale tant que l’économie capitaliste n’aura pas été abolie ? Pour Marie Astier, : « l’échelon de la commune est celui où il est le plus facile de commencer les transformations. Les communes de Faux-la-Montagne (Creuse) (4), Unghersheim (Haut-Rhin) (5), Grande-Synthe (Nord) (6), ont impulsé des politiques favorables au développement des alternatives. Donc pourquoi, quand la commune crée cet environnement favorable, le bouder ? Chez les habitants de la Zad, tout un courant politique rêve du municipalisme libertaire de Murray Bookchin, d’une confédération de communes libres... Ce serait donc, pour certains, l’échelle idéale pour s’organiser collectivement... Alors autant le tester ! »
Michel Bernard
(1) Silence n°331, 2006.
(2) Voir par exemple le dossier de Silence n°354, « Municipales, être maire autrement », février 2008.
(3) Drôme, voir dans Silence n°460 d’octobre 2017 l’article « Saillans : de l’hypermarché à l’hyperdémocratie ».
(4) commune où se sont installés Ambiance Bois, Télé-Millevaches…
(5) voir le film Qu’est-ce qu’on attend ? de Marie-Monique Robin, 2016.
(6) Voir l’article « Grande-Synthe, là où tout se joue » dans Silence n°466, avril 2018.