Nés dans les années 1950 sur fond de Guerre froide, les tribunaux d’arbitrage entre des investisseurs privés et des États — « Investor-State Dispute Settlement » (ISDS) en anglais — permettent à des multinationales de demander une compensation financière lorsqu’un État agit à l’encontre de « leurs attentes légitimes ».
Des entreprises au-dessus des lois ?
On retrouve ce mécanisme dans une multitude d’accords de commerce et d’investissement, dont « l’accord économique et commercial global » conclu entre le Canada et l’Union Européenne : le CETA, ratifié cet été par la France.
Dans les faits, ces tribunaux de droit privé ont déjà permis de remettre en cause des mesures telles que : la réglementation des niveaux de pollution d’une centrale à charbon, l’introduction de messages de santé publique sur les paquets de cigarettes, l’augmentation du salaire minimal, le gel des tarifs de l’eau...
En France, d’après une enquête des Amis de la Terre, les menaces de la compagnie pétrolière canadienne Vermilion semblent à l’origine du « détricotage » de la loi sur la fin des hydrocarbures adoptée en décembre 2017. Au lieu de mettre un terme définitif à l’exploitation des hydrocarbures dans les 62 concessions actuelles, la loi leur accorde finalement un sursis jusqu’en 2040… voire au-delà !
Contre de tels arbitrages, une coalition de plus de 200 associations, syndicats, et mouvements sociaux européens se mobilise en ce moment.
« Des droits pour les peuples, des règles pour les multinationales ! »
C’est le slogan adopté en janvier 2019 par la coalition « Stop ISDS », qui a lancé une grande campagne contre la multiplication des mécanismes ISDS dans les accords déjà conclus par l’Union Européenne, ou en cours de négociation. (1)
Nos ONG soutiennent aussi activement un projet de traité encadrant les pratiques des multinationales, en cours de négociation à l’ONU.
Avec ces négociations, impulsées en 2014 par l’Équateur et l’Afrique du Sud, les citoyenˑnes et les États ont une chance unique de défendre l’intérêt général et le respect des droits humains.
Un traité suffisamment ambitieux permettrait en effet de poursuivre en justice les entreprises responsables de marées noires, d’expropriations ou de conditions de travail indignes… y compris lorsqu’une filiale, un sous-traitant ou un fournisseur est en cause. Il permettrait surtout de prévenir, en amont, les atteintes à l’environnement et aux droits humains.
La mobilisation citoyenne sera décisive
La 5e session de négociation du traité se tient à Genève du 14 au 19 octobre. Les discussions sont tendues car la plupart des pays occidentaux s’opposent au projet, plus ou moins ouvertement.
Pour appeler la France et les autres États européens à se montrer plus coopératifs, de nombreuses actions citoyennes sont prévues pendant cette semaine de négociation, et tout particulièrement le samedi 12 octobre. (1)
Adeline Parenty
(1) Informations à retrouver sur https://stopisds.org/fr