1) Au printemps 2019 est paru un important rapport de l’IPBES (1), réunissant des scientifiques de 132 pays, qui faisait un constat alarmant de l’état de la biodiversité à l’échelle mondiale. Quelles sont les principales informations à retenir de ce rapport ?
Ce copieux et robuste rapport, résultant de 3 ans de travail de scientifiques renommé·es qui ont analysé quelque 15 000 publications et de nombreuses contributions d’expert·es loca·les, nous dit 3 choses. Premièrement, que l’effondrement de la biodiversité, qui touche tous les milieux et toutes les régions du globe, s’accélère et risque de provoquer la disparition d’1 million d’espèces dans les prochaines décennies. Ensuite, que les activités humaines, en premier lieu l’artificialisation des sols, sont les principaux facteurs de cet effondrement. Enfin, qu’il est encore possible d’inverser la tendance par un changement profond dans notre façon de percevoir et gérer la nature, qui seul permettra de réorienter de façon ambitieuse et durable les politiques qui nous ont amenés dans cette situation. En clair, comme pour le climat, l’heure n’est plus aux "chartes" non contraignantes ou à la polémique, mais bien à l’action, dans une optique environnementale, mais aussi sociale et économique.
2) La France est-elle bonne élève en matière de protection de la biodiversité ?
Notre pays a la chance et la responsabilité d’abriter une importante biodiversité, particulièrement dans nos territoires d’Outre-Mer. Nous disposons d’un panel d’outils solides d’ordre réglementaire, incitatif et volontaire qui, s’ils étaient utilisés de manière forte et cohérente, permettraient de préserver et restaurer ce patrimoine naturel commun. Mais ces outils ne sont pas suffisamment déployés, faute de volonté politique, voire sont contredits par d’autres dispositions réglementaires ou fiscales. Pire, ils sont parfois même remis en cause par certaines politiques sectorielles et décisions politiciennes court-termistes. Certes, nous pouvons nous féliciter que certaines espèces se portent mieux grâce à des plans d’actions nationaux ou régionaux et que d’autres soient en progression démographique. Ceci étant, la France, qui héberge 10% des espèces connues au niveau mondial, est toujours dans le top10 des pays comptant le plus grand nombre d’espèces menacées d’extinction.
3) Quelles sont selon vous les principales lignes d’action pour éviter le désastre ?
L’on ne peut se contenter de protéger telle espèce ou tel espace. C’est tout notre aménagement du territoire qu’il faut réinterroger : formes urbaines et accès aux services, préservation des terres agricoles, modes et infrastructures de transport, etc. Pour cela, un outil existe déjà, il reste désormais à le mettre pleinement en œuvre : la trame verte et bleue. Cet outil a pour vocation de préserver les habitats naturels et de laisser les espèces sauvages accomplir leur cycle de vie grâce à des « corridors écologiques » qui leur permettent de circuler librement sans être coincés par les infrastructures humaines. L’intérêt est qu’elle se décline à différentes échelles, du niveau national au niveau local, avec les outils d’urbanisme des collectivités territoriales jusqu’au jardin du particulier, au travers des plantations et clôtures qu’il choisira. Un autre enjeu majeur est la transition des pratiques agricoles vers l’agroécologie et l’agriculture biologique, via une réforme profonde de la Politique Agricole Commune. Enfin, pour inscrire les efforts dans la durée, il est nécessaire d’améliorer la connaissance, la sensibilisation de tous les publics ainsi que le conseil et la formation auprès des décideurs économiques.
(1) La Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (en anglais Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services, IPBES)