Il s’agit de notre survie collective et pourtant, tout semble fait pour entretenir un attentisme qui ne peut s’expliquer que par une certaine forme de sidération devant la crise climatique à venir. Mais entre la nonchalance et le déni, les lobbies sont à la manœuvre pour entretenir un système déstructiviste dont ils tirent de substantiels bénéfices.
Abattre les privilèges du transport aérien
C’est la seule façon d’expliquer le soutien dont bénéficie le secteur aérien de la part d’une classe politique qui fait montre d’un conservatisme ahurissant ! Le simple fait de vouloir interdire les vols intérieurs, lorsque des alternatives ferrées existent, engendre immanquablement une levée de boucliers d’une poignée de parlementaires déterminés. Alors même que le transport aérien bénéficie d’une multitude d’aides directes et indirectes rendant ce mode de déplacement « compétitif », rien ne semble pouvoir venir à bout de ces exemptions fiscales. Détaxe sur le kérosène, TVA à taux réduit, subventions d’équilibre versées aux aéroports régionaux ; sur certains vols intérieurs, chaque voyageur bénéficie d’une aide de plus de 100 euros versés par la collectivité !
Pour un temps de transport quasiment identique, l’avion émet entre 40 à 60 fois plus de CO2 qu’un voyage en train. Notre climat paye ainsi un lourd tribut à ces fameux « low cost » !
Incidemment, ces multiples aides sont avant tout versées aux personnes ayant les revenus les plus élevés. 80 % des voyageu·ses ayant recours aux vols intérieurs appartiennent aux catégories socio-professionnelles les plus aisées… Pendant ce temps-là, la mobilité du quotidien est laissée en déshérence, subissant un sous-investissement chronique ! Les lignes de train de nuit ferment les unes après les autres pendant que le fret ferroviaire poursuit sa lente et inéluctable chute.
S’attaquer aux publicités prônant le crime climatique
L’interdiction des vols intérieurs est vécue par nos politiques comme attentatoire à la sacro-sainte liberté de se déplacer. Mais il y a pire ! La proposition d’interdire ou encadrer les publicités vantant les mérites de ces déplacements climaticides butent sur les mêmes réticences, sur le même prêchi-prêcha libéral qui postule que la loi et l’État sont le problème et le marché la solution. Soumise au vote, l’interdiction des publicités pour les vols intérieurs a été largement rejetée par des parlementaires en retard d’une crise climatique.
Face à ces combats d’arrière-garde, l’heure est venue de prendre nos responsabilités. L’article L122-5 du code pénal stipule que « n’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui ». Lorsqu’un publicitaire incite à détruire le climat en promouvant un vol intérieur, lorsqu’une compagnie aérienne vend des billets d’avion à 5 euros, devons-nous assister passivement à ce qu’il nous faut bien nommer un crime climatique ?
Nous sommes toutes et tous en situation de légitime défense climatique. Désormais, il nous faut assumer le fait d’être à la frontière de la légalité en appelant à barbouiller les publicités pour les vols intérieurs et autres SUV (1).
Stéphen Kerkhove
(1) Les SUV (Sport Utility Vehicule, véhicules utilitaires sportifs) sont ces véhicules massifs, larges et hauts, soit-disant adaptés aux familles, et qui donnent à leurs propriétaires le sentiment délicieux de se sentir tout à la fois dominant, aventurier et en sécurité. Illusions bien entendu, mais la voracité en carburant de ces engins est, quant à elle, bien réelle.