Mais il s’agit seulement d’une « demi-victoire » car, d’une part, le contrat sera bel et bien honoré d’ici quelques semaines quand la tension politico-médiatique sera passée à un autre sujet ; et, d’autre part, nous sommes loin d’assister à une remise en cause des exportations d’armes dans leur logique même !
En effet, l’enjeu n’est pas juste de dénoncer l’usage outrancier des armes qu’on a vendues à tel ou tel pays, une fois établie la preuve que son armée les a « volontairement » utilisées contre des civils. Car, n’est-ce pas trop tard ? C’est pourtant ce à quoi nous renvoie la ministre des armées ! Son credo : la situation au Yémen est horrible et la France s’active pour que cela cesse… « Mais nous n’avons aujourd’hui aucune preuve qui attesterait que des armes de fabrication française sont utilisées à dessein contre des populations civiles. » (1) Suivi de : « Nous n’avons donc pas le choix : il nous faut exporter », c’est « indispensable à notre souveraineté », argumentant sur la dimension économique (nombre d’emplois créés, etc.).
Un enjeu politique plus qu’économique
Et sur ces aspects, il y a une absence totale de curiosité des parlementaires comme des journalistes. Or, c’est bien là que les questions se posent. Le format de la chronique ne permet pas de développer les différents arguments, mais prenons juste un exemple : les exportations d’armements représentent seulement 1,2 % du commerce extérieur de la France, soit deux fois moins que les ventes à l’extérieur de vins et autres alcools. Y mettre fin serait donc loin de mettre en péril l’économie de la France ! Des économistes ont même démontré que les ventes d’armes représentaient un coût pour les finances publiques. Elles sont profitables uniquement pour les industriels (Dassault, Thales, etc.), mais pas pour l’entité France. L’enjeu des exportations n’est pas économique. Il est politique et support de ce monde que nous refusons.
D’où l’importance — comme par rapport à la bombe atomique — de sortir des mythes et des discours formatés, et de s’appuyer sur les faits, rien que les faits. C’est à cette condition qu’une remise en cause et de réelles avancées pourront avoir lieu. L’émotion créée par la situation au Yémen doit se transformer en mobilisation durable.
Patrice Bouveret
(1) Voir le compte rendu de l’audition de Mme Florence Parly du 7 mai 2019 devant la commission de la Défense, Assemblée nationale.