En France, plus de 100 000 demandes d’asile sont enregistré·s chaque année. L’accueil se fait dans des communes, comme à Luzy, dans le Morvan, où leur arrivée dynamise la vie locale.
Sur les tables dressées ce dimanche 9 décembre 2018, tout est gratuit. La manifestation organisée par le Sel (Système d’échange local) du canton grâce aux dons déposés par les riverain·es, est ouverte à toutes et à tous.
Quelques bénévoles ont prévenu chacun·e des exilé·es de la tenue de l’événement. L’objectif est de créer un espace de rencontre supplémentaire pour favoriser leur intégration dans la vie du village. « Et le climat, à Luzy, c’est très différent de l’Albanie, alors ? » demande Laurent à un nouveau venu. Stéphanie échange avec deux Iraniennes fraîchement débarquées : « Vous venez demain à l’atelier d’activités manuelles ? Ce sera poterie, vous connaissez ? »
Le Morvan se dépeuple rapidement. Au début des années 1980, la commune de Luzy abritait près de 3 000 habitant·es contre un peu moins de 2 000 aujourd’hui. Sur les 40 appartements de l’immeuble de HLM rue Lafond, 26 sont vides faute de demande. Y sont désormais logé·es cinq familles albanaises, une Kazakh, deux Iraniennes et onze Afghans et Sénégalais seuls, soit 37 personnes au total. Tou·tes fuient les persécutions de leurs pays d’origine et sont pris·es en charge en tant que demandeu·ses d’asile. Dans 3 à 18 mois, ils et elles sauront s’ils et elles peuvent rester définitivement en France ou seront reconduit·es à la frontière. D’ici là, chaque famille touche au maximum 17 € par jour d’aides de l’État, et la préfecture paye les loyers au bailleur social.
Les 2 000 habitant·es de Luzy sont très majoritairement favorables à l’accueil de ces nouvelles voisines et nouveaux voisins. Reporterre a cherché à rencontrer des Luzycois·es qui y seraient aujourd’hui opposé·es, en vain. « Nous, les habitants du HLM [rue Lafond] sommes les premiers concernés, commence Éric. Et on trouve que tout se passe bien, on n’a pas peur. » Le plus important pour lui, c’est que « les Albanais disent bonjour » et qu’ils aident régulièrement sa mère à monter ses courses.
« Nous allons vivre avec des réfugié·es, c’est inévitable. Autant prendre les devants »
En 2015, Jocelyne Guérin avait présenté sa volonté d’accueillir des migrant·es à la suite d’un appel de l’État. « Dans les conditions actuelles, nous allons vivre avec des réfugié·es. Ne serait-ce que pour des raisons climatiques, c’est inévitable. Autant prendre les devants. » L’idée a été entérinée par le conseil municipal. Elle est concrétisée deux ans plus tard par la Fédération des œuvres laïques de la Nièvre (FOL 58), qui a répondu à un appel de la préfecture pour monter un Service d’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (Shuda). La mairie n’a pas eu à dépenser un centime.
La section dijonnaise du Rassemblement national (RN, ex-FN) a lancé une pétition contre le Shuda de Luzy. Quelques militant·es du RN et de Debout La France ont perturbé une réunion publique d’information sur le Shuda. Le collectif Luzy hospitalité s’est créé en réaction à cela. La mission principale de ce groupe non partisan : prendre le temps de discuter avec les habitant·es. L’activité la plus chronophage consiste « à expliquer à ceux qui en bavent, dans les rues et au marché, que ce ne sont pas [les exilés] qui leur prennent ce qu’ils n’ont pas ».
Maxime Grimbert
Article repris du site Reporterre : https://reporterre.net/Dans-le-Morvan-un-village-resistant-accueille-des-demandeurs-d-asile