Bonne nouvelle ! Les actions pour reconquérir nos nuits noires ne se heurtent à aucun des obstacles qui hérissent si souvent les chemins des alternatives. Tout le monde peut passer à l’action sans plus attendre et y trouver intérêt et plaisir.
Tout le monde peut aider à réduire la pollution lumineuse, particulièrement dans le cadre communal. Pas besoin d’argent (ou très peu) puisqu’au contraire, on fait des économies. Pas d’obstacles législatifs ou réglementaires : les communes ne sont soumises à aucune obligation d’éclairage. Celui-ci fait simplement partie du pouvoir de police du maire, qui doit veiller au bon ordre et à la sûreté, sécurité et salubrité publiques. De même, les normes n’ont aucun caractère obligatoire et c’est heureux, car leur logique de standardisation pousse au suréquipement et au suréclairage. Autre atout, il s’agit d’un sujet dont tout le monde peut s’emparer sans trop de difficulté et où chacun peut trouver son intérêt. Seule la question de la sécurité peut se révéler délicate. De nombreux cas montrent d’ailleurs qu’elle n’a rien d’insurmontable. Alors, allons-y !
Participer à une veille citoyenne
C’est simple : observer l’éclairage nocturne dans son environnement, identifier les points lumineux qui constituent des nuisances (pour soi-même ou pour la collectivité), des inutilités et aberrations, puis les signaler à sa mairie.
De même pour les éclairages privés allumés hors des heures légales. Il s’agit des vitrines, façades et locaux professionnels ainsi que, depuis juillet 2018, des publicités et enseignes lumineuses entre 1 h et 6 h du matin pour les communes de moins de 800 000 habitant·es. On peut, d’une part, les signaler à sa mairie et, d’autre part, faire remonter ses constats, photos à l’appui, sur la plateforme collaborative de l’ANPCEN, qui organise une veille citoyenne depuis 2014 et permet de compléter le recensement des communes pratiquant l’extinction, partielle ou totale, de l’éclairage public.
On peut aussi rejoindre, ou créer, l’un des groupes militants qui conduisent des actions directes (non-violentes et sans dégradation) sur les écrans lumineux de publicité ou auprès des magasins pour les inciter à respecter la législation (voir encadré).
Interpeller son conseil municipal
Signaler aux élu·es de la commune les problèmes auquel il faut répondre. Mais aussi pour exiger que le conseil joue son rôle consistant à contrôler et faire respecter la législation (la veille citoyenne ne devrait pas l’exonérer en la matière). L’ANPCEN propose une lettre-type et peut aider localement. Les démarches auprès des municipalités sont plus ou moins fluides en fonction des personnes et des politiques menées en matière d’écologie et de démocratie participative. La taille des communes joue aussi, bien sûr. Dans les grandes villes, il est parfois plus simple de s’adresser d’abord aux mairies d’arrondissement ou aux conseils de quartier.
Convaincre sa commune de décrocher des étoiles
Toutes les communes s’interrogent aujourd’hui sur leur éclairage, ne serait-ce que pour alléger leurs dépenses. Dès lors, rien de tel que de convaincre la sienne de concourir pour le label national Villes et villages étoilés, créé par l’ANPCEN. Elle peut espérer y gagner une distinction (de une à cinq étoiles) utile pour son image, spécialement au plan touristique. Mais surtout, elle est assurée de s’inscrire d’emblée dans une démarche de progrès (le label est valable quatre ans) et dans une dynamique collective. En effet, pour y participer, il faut répondre à un questionnaire très complet pour diagnostiquer ses équipements et ses pratiques, et pour se poser toutes les bonnes questions. Le remplir constitue déjà un travail d’analyse, d’autoévaluation et de réflexion. Il n’est pas limité aux caractéristiques techniques de l’éclairage, mais aborde aussi les usages, le respect des réglementations sur les éclairages privés, la sensibilisation des populations aux différents enjeux, etc. Le succès du concours (39 communes labellisées lors de la première édition en 2009 et 374 en 2017) témoigne d’ailleurs de l’intérêt qu’y trouvent les équipes municipales et les populations. Voir ci-dessous : « Ecommoy, une commune étoilée ».
Faire le noir chez soi
À l’évidence, les démarches collectives, qu’elles quelles soient, ne serait-ce que par immeuble ou groupe d’habitations, ont davantage d’impact. Pour autant, il ne faut pas oublier l’action individuelle. Dans son jardin ou sur son balcon, les belles soirées d’été peuvent être plus ou moins nocives ou respectueuses de l’environnement selon qu’on les illumine façon fête foraine ou avec parcimonie (permettant à la magie de la nuit d’opérer). Dans les maisons et appartements, il est important de restaurer le noir. Chasser non seulement les lumières intrusives venant de l’extérieur, mais aussi celles de l’intérieur, les veilleuses, écrans, voyants lumineux de tout type. Même quand ils diffusent peu de lumière, ils peuvent contribuer à un halo lumineux qui supprime l’obscurité nécessaire à la mise en route des mécanismes du sommeil.
Observer les étoiles et les animaux
Les promenades d’observation nocturne offrent de bons moments, parfois couplés avec une démarche de science participative. Les associations et clubs d’astronomie organisent des sorties, pour différents publics, qui peuvent combiner plaisir et recueil d’informations utiles. Il est même possible de participer, à l’échelle internationale, à la campagne Globe at Night (1) qui organise de manière collaborative une cartographie mondiale de la qualité des ciels nocturnes. Dans le domaine de la faune, les sociétés animalières, ornithologiques ou autres, organisent aussi des sorties. Connectées ou non à des programmes scientifiques nécessitant des bénévoles pour des comptages, elles offrent en tout cas une expérience sensible de la nature nocturne. Un contact indispensable pour nous et nos enfants, sans lequel nous perdrons notre motivation pour la protéger et donc nous protéger nous-mêmes. Aussi, faisons de chouettes balades à la recherche des hiboux, hérissons, lucioles et autres papillons de nuit.
Danièle Garet
Le Clan du néon, les Pêcheurs d’énergie, ZéroWatt… À partir de 2007, dans de nombreuses villes de France, des activistes éteignent les enseignes lumineuses des magasins fermés. Le mode opératoire est simplissime : les interrupteurs se situant à l’extérieur, en général en haut de la vitrine, un long manche à balai pourvu d’un crochet suffit. Un tract laissé sur la vitrine — et distribué aux passant·es s’il y en a (les actions ont lieu en soirée ou dans la nuit) —, explique les motifs. Des actions que l’on pourrait qualifier de a-légales, sur la voie publique, sans violence ni dégradation. Elles sont conduites aussi par des groupes anti-pub comme les Déboulonneurs et, aujourd’hui, notamment par le mouvement RAP (Résistance à l’agression publicitaire).
Le décret de 2012 sur l’extinction des enseignes est enfin entré en vigueur le 30 juillet 2018. Mais s’il n’est pas appliqué, les perches extinctrices pourraient ressortir des placards à balai. D’ailleurs, le 30 juillet 2018, le groupe versaillais de RAP a éteint une trentaine d’enseignes. Le 13 octobre 2018, à l’occasion de la 10e édition du Jour de la nuit (événement de sensibilisation à la pollution lumineuse organisé par l’association Agir sur l’environnement avec une vingtaine de partenaires), diverses tournées d’extinction ont été organisées un peu partout en France. À Rouen, par exemple, où RAP laisse aux boutiques « éteintes » l’explication suivante : « Vous avez bien failli payer une grosse facture d’électricité et émettre du CO2 : heureusement que nous passions dans le coin ! Mais nous ne pourrons pas être là à chaque fois et comptons sur vous pour la suite. »
Quels choix techniques ?
C’est entendu, la meilleure lumière nocturne est celle qu’on n’émet pas. Mais quand l’éclairage s’avère nécessaire, comment faire les bons choix ? Voici quelques recommandations de l’ANPCEN.
Orientation de la lumière
Le principe général consiste à éclairer vers le sol et non vers le ciel, à diriger la lumière sur la seule zone à éclairer. Ainsi, bannir les lampes en forme de boule, les projecteurs encastrés dans le sol ou éclairant de bas en haut, les dispositifs émettant de la lumière au-dessus de l’horizontal. Réduire la hauteur des mâts chaque fois que possible. Privilégier les modèles à lampes encastrées non apparentes, installer des caches supérieurs ou latéraux pour protéger les habitations de lumières intrusives, etc.
Types de lampes
Les « boules à mercure » sont désormais interdites. Privilégier les lampes à sodium haute pression avec température de couleur de 2100 K (c’est-à-dire émettant peu de lumière blanche, la plus nocive). Pour les LED, ne pas dépasser 2700 K et exiger la température de couleur la plus basse.
Puissance d’éclairage
Ne pas dépasser 70 W par lampe.
Solutions non lumineuses
Balisage par catadioptres (dispositifs passifs réfléchissant la lumière en direction de la source émettrice), marquage photoluminescent (principe d’une exposition à la lumière avant sa restitution dans l’obscurité).
(1) Programme international de science citoyenne organisé par le National Optical Astronomy Observatory (États-Unis) www.globeatnight.org