1) Le 28 juillet 2017, le chef de l’État français Emmanuel Macron déclarait « d’ici à la fin de l’année, je ne veux plus personne dans les rues, dans les bois ». Où en est-on aujourd’hui ?
C’est une question compliquée à laquelle il n’est pas possible de répondre au niveau national, la dernière étude de l’INSEE pour recenser les personnes sans-abris datant de 2012 ; elle avait alors recensé 141 500 personnes sans domicile. À Paris, a été organisée la nuit de la solidarité en février 2018, qui a recensé 3 035 personnes dormant dans la rue et 18 150 autres personnes hébergées dans des structures provisoires créées dans le cadre du plan Grand Froid ou dans des centres ouverts à l’année ou des hôtels. Pendant l’hiver 2017/2018, ce sont 20 000 places qui ont été ouvertes en France métropolitaine dans le cadre du plan hivernal et du plan « Grand Froid », qui se déclenche quand les températures descendent en dessous en -5°C. Dans le Rhône, ce qu’on sait, c’est que sur une semaine, plus de 2 000 personnes composent le 115 (numéro d’urgence sociale).
2) Quels sont les dispositifs mis en place ?
L’hébergement est un droit dont l’État est garant. Le problème, c’est que les dispositifs sont saturés, insuffisamment calibrés pour faire face à la demande. Les solutions pour les désengorger manquent (logements accessibles par exemple). Dans le Rhône, il faut parfois attendre 15 mois, en moyenne, pour obtenir une place d’hébergement d’urgence !
Il existe plusieurs types de structures qui s’occupent de l’hébergement d’urgence, certaines gérées uniquement par des professionnels, certaines gérées à la fois par des professionnels et des bénévoles, et certaines qui émanent uniquement d’initiatives citoyennes. Les deux premiers types de structures sont financés par l’État et en lien avec le SIAO (Service intégré d’accueil et d’orientation), l’organisme qui centralise toutes les demandes. Le troisième propose de l’accueil chez l’habitant. Cette forme de prise en charge tend à s’institutionnaliser. Il faut savoir que 95 % des personnes qui sont à la rue ont fait des démarches pour obtenir un logement. Le Samu Social cible son intervention sur les 5% des personnes non connues des autres dispositifs.
3) Quelles sont les évolutions de la prise en charge en matière d’hébergement d’urgence ?
Globalement, ces dernières années, on va vers une humanisation des structures d’hébergement. Ils sont plus qualitatifs, le nombre de chambres individuelles augmente, les horaires d’entrée et de sorties s’assouplissent. Les structures se tournent par ailleurs de plus en plus vers une logique d’insertion, ce qui implique une exigence accrue dans le choix des publics à l’entrée. L’Etat pousse à prendre en charge des « personnes insérables » pour « fluidifier les dispositifs », et augmenter le nombre de personnes qui « sortent par le haut » des dispositifs d’aide.
Parallèlement, a été mis en place en 2017, le plan quinquennal « Logement d’abord », qui prévoit la construction de 160 000 logements sociaux d’ici à 2022. Le logement d’abord est une bonne chose mais nous pouvons nous interroger sur les possibilités de production de logement accessible lorsque l’Etat diminue son soutien aux bailleurs sociaux.
Cette nouvelle politique mène à une forme de concurrence des publics. Si le droit au logement est soumis à la condition d’un titre de séjour, le droit à l’hébergement est, lui, inconditionnel. Toute personne, française ou non, est sous la même législation. Mais dans les faits les traitements sont différenciés, et les personnes considérées comme « insérables » sont celles qui ont des papiers. Il est urgent de lutter contre ces clivages entre publics. Une solution résiderait dans la régularisation d’un certain nombre de ménages, bloqués dans les hébergements ou assignés à la rue car ni régularisables, ni expulsables. Cela demande du courage politique mais serait une solution humaine et pragmatique à la crise que nous connaissons actuellement dans le secteur.
Alynea, Cours de Verdun Perrache, 69002 Lyon, tél. : 04 78 38 20 98, http://alynea.org