Par un bel après-midi ensoleillé, alors que le bois de Vincennes commence à se parer de couleurs automnales, un petit groupe de femmes s’engage dans une allée de tilleuls, puis s’arrête devant un bosquet touffu d’un jaune éclatant.
Nathalie Mondot, qui organise des balades sur les plantes et la santé gynécologique, présente la tanaisie, et invite les participantes du jour à observer de plus près ses petites feuilles dentées, à sentir l’odeur qui se dégage quand on les frotte...
Ces interactions doivent permettre d’apprendre à identifier la plante – qui, entre autres propriétés, est emménagogue (1) et progestérone-like (2) et peut donc contribuer à réguler une insuffisance de menstruations –, et d’entrer en contact avec cet être vivant.
Partage d’expériences intimes
La balade est l’occasion d’une rencontre directe avec le monde végétal, mais également d’une (re)création de liens entre femmes. Entre deux arrêts pour découvrir une plante, les discussions vont en effet bon train, et permettent de partager des expériences intimes. Cela permet de voir que d’autres ont des cycles menstruels irréguliers ou douloureux, que d’autres se questionnent par rapport aux traitements hormonaux souvent prescrits pendant la ménopause, ou que certaines tâtonnent pour trouver le moyen de contraception qui leur convient.
Nathalie organise régulièrement ce type de balades, ainsi que d’autres sorties et ateliers sur les plantes médicinales, culinaires et tinctoriales. Artiste plasticienne articulant un travail autour du corps, du genre, de la sexualité, c’est aussi une ethnobotaniste passionnée et généreuse, ayant à cœur de sauvegarder les connaissances ancestrales des plantes, et de les transmettre.
L’héritage des sorcières
L’acte est éminemment politique : favoriser l’accès à ces savoirs, c’est revendiquer et honorer l’héritage de nos anciens, de nos grand-mères, arrières grand-mères, des sorcières qui furent persécutées au moment où la médecine s’institutionnalisait (et se masculinisait), qui s’appuyaient sur une connaissance fine du vivant pour nourrir et soigner. C’est (re)donner du pouvoir. Pas un « pouvoir sur », mais bien plutôt un « pouvoir-du-dedans », qui permet d’être pleinement actrice de sa vie, pour reprendre la distinction de l’écoféministe néopaïenne étasunienne Starhawk.
Les balades sont proposées à prix libre. Le geste est solidaire et vise à favoriser l’inclusion du plus grand nombre, mais permet aussi d’ouvrir une réflexion sur la consommation. Là encore, il s’agit d’être acteur, ou actrice.
Constance Rimlinger
Pour en savoir plus : http://foretmedecine.com
(1) Qui possède la qualité de pouvoir provoquer la menstruation.
(2) Qui mime les effets de la progestérone sur le corps.