Quads, 4x4 et autres motos… les engins motorisés en montagne produisent pollution sonore et atmosphérique, abîment les territoires et, au-delà, participent à une vision mercantile de la montagne. Depuis 1991, une loi interdit les véhicules motorisés dans les espaces naturels. En réponse à de trop nombreuses dérogations et à la banalisation de ces pratiques de loisirs, Mountain Wilderness a lancé la campagne Silence !
"On s’est opposés à deux rassemblements : d’une part, la Transvalquad en Savoie, rassemblement de plusieurs milliers de quads venus de toute l’Europe, lâchés pendant cinq jours à travers tous les espaces naturels de la commune de Valloire, et, d’autre part, la Croisière blanche dans le Champsaur, raid rassemblant 400 équipages de 4x4, quads et motos sur plus de 300 km d’itinéraire en périphérie du Parc national des Écrins.
On s’est attaqués à ces deux rassemblements à cause de leur ampleur. Des réunions publiques ont été organisées pour essayer de faire changer la donne, avec le préfet, avec les policiers, avec les élus… sans que cela porte ses fruits dans les Hautes-Alpes, car il reste possible d’obtenir une dérogation. En Savoie, les élus et la sous-préfecture ont compris les enjeux environnementaux et le désastre écologique de la présence de ces véhicules en zones humides. Le respect des enjeux environnementaux est très important en montagne. Cette prise de conscience a conduit à la réduction du périmètre de la manifestation en Savoie, à tel point qu’il n’intéressait plus les compétiteurs. Dans les Hautes-Alpes, après dix ans d’essais de conciliation, nous sommes allés au tribunal administratif. Au final, on a obtenu l’annulation après coup d’un arrêté, sur des motifs de protection de l’environnement. Cette décision juridique a fait jurisprudence, et un certain nombre de ces manifestations ont coulé. Ce type d’action permet de prévenir de futures manifestations. Cet exemple a fait boule de neige, sans mauvais jeu de mots !"
De telles actions vont de pair avec le développement de pratiques douces et respectueuses de l’environnement.
À l’opposé des pratiques de loisirs motorisés, une autre approche de la montagne existe, un autre rapport au temps et à l’espace pour s’immerger et ressentir les spécificités des territoires montagnards.
Changer d’approche, c’est aussi adopter une attitude douce, en utilisant des modes de transports alternatifs à la voiture individuelle.
"L’idée est à la fois d’éviter de polluer avec sa voiture et de limiter, à terme, l’aménagement des fonds de vallée. Sur un joli site de montagne où il n’y a 2 000 personnes que le 14 juillet, on construit un parking de 2 500 places qui reste vide le restant de l’année. C’est un gros problème pour l’imperméabilisation des sols, sans parler des paysages. A priori, on peut y remédier en utilisant les transports en commun, qui permettent de prendre en compte la manière dont on se rend en montagne. Au-delà du ‘voiture ou pas voiture’, on prend le temps. En s’y rendant en transports en commun, on change notre perception de l’espace-temps, on se rend en montagne pour plusieurs jours et on dort en refuge ou en gîte, on fait ses courses sur place, au lieu de les rapporter d’un hypermarché. Il est possible de faire une traversée sans revenir à son point de départ : on change nos échanges avec la montagne, les possibilités de rencontres. C’est un enjeu fort aujourd’hui de pouvoir aller se perdre en montagne, et c’est l’un des derniers endroits en
Europe où on peut le faire vraiment."
« La montagne sauvage n’est pas le pôle nord, ce n’est pas l’Himalaya, ça peut être un petit sommet accessible. C’est l’idée qu’on se fait d’un espace où on va pouvoir communier avec la nature. C’est de l’espace, un grand espace, ce n’est surtout pas un espace difficile d’accès. »
« Aujourd’hui, nous avons les moyens de tout faire techniquement, et on ne peut plus se permettre de faire tout ce qu’on est en capacité de faire en terme d’aménagement, d’artificialisation et de gestion hors sol de ces espaces. L’enjeu est celui d’une croissance heureuse, d’une croissance raisonnée, qui peut passer dans certains sites par de la décroissance. »
Infos : www.changerdapproche.org
« Un des problèmes de la montagne est un problème d’imaginaire : on voit souvent comme seule porte d’avenir d’être rattaché aux grands complexes alpins. Il n’y a par exemple aucune réflexion autour de la valorisation des fonds de vallée, alors même que ces derniers sont des portes d’entrée de sites encore plus fabuleux. Il n’existe pas de Guide du routard des parcs nationaux de France, alors qu’il existe celui des États-Unis… La montagne a un potentiel exceptionnel. Elle a besoin d’être mise en musique différemment, il faut que l’énorme pylône du ski alpin arrête de cacher le reste. La question économique existe, il faut trouver des solidarités financières. Une solution peut être de mettre l’argent non pas sur les aménagements mais sur les gens. Payer des guides plutôt que des aménagements, par exemple. »