Cette école privée laïque « hors contrat » (1), Les Collines bleues, a ouvert ses
portes à la rentrée 2017, dans la Loire, vers Roanne. Hébergée au sein d’un habitat partagé, elle compte 13 élèves, de 3 à 7 ans. Clarie et Florent y consacrent tout leur temps, en partie à titre bénévole et en partie à leurs frais. Qu’est-ce qui les a motivés ?
Sortir nos enfants du système étatique
Tout part du diagnostic d’une Éducation nationale soumise notamment à l’importation de méthodes de management issues du privé et à l’envahissement désastreux par l’informatique (voir encadré). Les élèves passent à l’école un temps considérable, pourtant les savoirs fondamentaux (lecture, écriture, calcul) sont « dans l’ensemble mal maîtrisés ». Beaucoup d’élèves vivent leur scolarité dans le stress d’une évaluation permanente, face à des enseignant·es en grand désarroi, pour dire le moins.
Florent : « Notre réflexion critique et notre projet de monter une école remontent à très longtemps. Mais l’une de nos raisons pour nous fixer la rentrée 2017 comme date butoir, c’est que nous avons nous-mêmes deux enfants, qui avaient trois et six ans. La plus grande allait donc devoir entrer en primaire et nous voulions les faire bénéficier d’un autre enseignement, tout en évitant l’école à la maison. C’était épargner nos enfants et aussi si possible ceux des autres ».
Par ailleurs, la décision de participer à l’essor, encore faible, mais sensible des écoles privées, n’a pas été prise de gaité de cœur, mais faute de pouvoir faire bouger les choses de l’intérieur.
Après des tentatives inabouties en Ardèche, le couple revient dans la Loire, région de ses premières affectations et où se trouve un réseau d’ami·es sensibles à leur projet. C’est une façon de se jeter à l’eau. Une réunion avec une dizaine de parents permet de vérifier que l’école envisagée pourrait démarrer avec une dizaine d’élèves. Puis, par chance, trois personnes partageant une ancienne villa bourgeoise au sein d’un jardin arboré magnifique acceptent d’héberger l’école au moins pour la première année. D’ailleurs, elles y apporteront en plus soutien bienveillant et aide bénévole, en particulier au moment des repas.
À l’écart des postures dogmatiques
L’enseignement aux Collines bleues est sous-tendu par quelques principes clairs. Les enfants sont répartis en deux classes, maternelle et primaire. Pas d’affiliation à une méthode en particulier, mais une forte inspiration Montessori, surtout pour la maternelle. Cela signifie une importance centrale accordée à la manipulation des objets, à la répétition si l’enfant en éprouve le besoin, aux apprentissages sensoriels qui préparent les autres. Pour les primaires, un grand soin est accordé aux programmes. Ils se veulent à la fois denses, stimulants, logiques et progressifs, avec une acquisition précoce des fondamentaux lecture-écriture-calcul. Les disciplines scolaires (fondamentaux et histoire, géographie, leçons de chose) sont maintenues, avec un travail au bureau limité au strict nécessaire. Les enfants passent une heure à une heure trente en extérieur. La discipline est nécessaire, mais non punitive, l’évaluation se pratique sans résultats chiffrés ni « enjeu dramatisé dans la classe ». Enfin, aucun écran informatique (« le meilleur moyen d’empêcher un apprentissage est de l’automatiser trop tôt ») et le souci ne pas introduire de polluants dans l’école.
Cette démarche éducative est-elle passéiste ou d’avant-garde, alternative ou démocratique ? Aux Collines bleues, on se méfie des catégorisations souvent floues ou dogmatiques. Après une année de fonctionnement, la satisfaction consiste à voir « qu’on a l’impression de ne pas se tromper ». Le ratio adulte/élève, le cadre et l’investissement humain dans et autour de l’école n’y sont sans doute pas pour rien. Quoi qu’il en soit, les élèves se sont développé·es harmonieusement, dans le plaisir, ont acquis les apprentissages possibles à leurs âges, sans contrainte inutile. Et ce, même dans le cas évoqué par Florent d’un enfant « qui aurait certainement rencontré des difficultés dans un autre contexte ».
Qui dit privé dit payant
Aux Collines bleues, les frais de scolarité sont calculés en fonction des revenus des parents et oscillent entre 125 et 250 euros mensuels par enfant. Or, poursuit Florent : « Nous ne voulions pas faire une école de riches, d’autant que le Roannais est une région très sinistrée. Même si pour l’instant, sans aide et avec un petit nombre d’élèves, nous ne pouvons pas avoir des tarifs plus ’populaires’. La scolarité reste donc chère. Pourtant, »les trois quarts de nos familles ne paient pas d’impôts et il y en a même qui touchent le RSA. Elles sont d’ailleurs assez héroïques de ce point de vue". L’engagement des parents en termes financiers est un autre motif de satisfaction pour le couple.
Aujourd’hui, l’école est prête à accueillir davantage d’élèves. La rentrée 2018 s’est déroulée avec 16 enfants alors qu’une vingtaine serait préférable. Il s’agirait notamment d’absorber le passage d’un demi-SMIC pour deux à un SMIC pour deux (et donc de moins tirer sur les économies du ménage). L’école recherche des soutiens moraux et financiers. Clarie et Florent espèrent que « la solidarité nationale qui vaut pour l’enseignement d’État » se mettra en œuvre pour leur projet, et ne renoncent pas à envisager de poursuivre l’aventure avec le niveau du collège !
(1) Les écoles « hors contrat » se caractérisent par une vraie liberté quant aux programmes et aux méthodes, zéro subvention, ainsi que des obligations légales relatives au droit à l’instruction, à l’hygiène et la sécurité.
(2) L’Appel est disponible à l’école, sur demande. Silence en avait traité dans son dossier Vers une école sans écrans ? septembre 2017, n° 459.
École Les Collines bleues
607 route de la Gare, 42370 Saint-Alban-les-Eaux
tél. : 04 77 64 35 32
contact@les-collines-bleues.fr
www.les-collines-bleues.fr