L’ouverture d’une coopérative alimentaire autogérée repose sur quatre principes et nécessités : trouver un lieu ; trouver des fournisseurs ; pas besoin de gros apport de trésorerie au départ ; enfin ne pas espérer créer d’emploi direct par ce biais.
Peu d’obstacles matériels
Il faut en priorité trouver un local et il s’avère que la « grande distribution », défendue par les politiques quels qu’ils soient, a détruit une grande partie des commerces de proximité dans des centres-villes désertés. Il n’y a pas un village ou une ville où les artères principales ne soient envahies par des commerces « à louer ». Pour un loyer modeste de quelques centaines d’euros par mois, il est possible de signer un bail précaire avec un propriétaire.
Il faut ensuite des fournisseurs et, là encore, nous pouvons trouver dans les régions une multitude de producteurs qui défendent la qualité et très souvent le bio. De même, quelques petits grossistes de l’économie sociale et solidaire et du commerce équitable, comme Andines, Terra Libra ou Avaze (1), permettent de se fournir en produits de qualité à des prix tout à fait raisonnables.
Plus étonnant, il n’est pas nécessaire d’avoir un capital financier pour ouvrir une coopérative alimentaire autogérée. Il suffit de réunir une trentaine de personnes et décider une mise de fonds individuelle d’une centaine d’euros. A trente, il est possible de passer commande de 3 000 euros à un petit grossiste. On obtient de quoi remplir les rayons en produits de base avant de travailler en direct avec des producteurs plus ou moins locaux.
Enfin, il ne faut pas craindre de dire que créer un emploi est impossible dans un petit commerce de proximité si l’on veut maintenir des prix publics plus bas que ceux pratiqués par les grandes enseignes du bio et la grande distribution, et ainsi permettre à un large public de s’approvisionner en produits de qualité à un prix raisonnable.
Le défi d’aujourd’hui est de participer à la création d’emplois à la source, donc à la production, en développant des coopératives alimentaires autogérées.
Construire des espaces de liberté et d’initiative
A partir de ces constats, le plus difficile reste sans doute de ne pas construire une usine à gaz mais un espace de libertés et d’initiatives.
Notre culture, nos habitudes, nous portent vers des solutions qui semblent bonnes mais qui vous mèneront à reproduire la société qui vous entoure, avec ses conflits et ses pouvoirs. Ainsi en va-t-il de la structure juridique choisie et surtout de la place qu’elle prendra dans le fonctionnement du collectif. Si vous créez une association, pourquoi en reprendre le fonctionnement classique, porteur de conflits et de malaises ? Pourquoi ne pas voir l’association comme un simple espace juridique nécessaire à vos relations avec les institutions ? Nous savons, par nos lectures de jeunesse, que la présence d’un président actif entraîne toujours l’émergence d’un calife voulant prendre la place du calife (2) !
L’éducation populaire plutôt que les décisions arbitraires
Le choix des produits à mettre en rayons est aussi un autre espace porteur de conflits… Il n’est pas toujours simple de concilier celui qui veut des produits bio Demeter et celui qui veut simplement des produits de qualité. Celui qui ne veut que des produits végan et celui qui trouve plaisir à grignoter un saucisson de porc bio. Celui qui refuse l’alcool et celui qui ne crache pas sur un bon côtes-du-Rhône. Celui qui veut des produits locaux et celui qui ne voit pas d’inconvénient à manger des produits d’une autre région.
A Diony-Coop, nous avons privilégié l’éducation populaire plutôt que des décisions arbitraires prises par une « commission produits » autoproclamée. Nous pensons que c’est en expliquant, en proposant des alternatives, en se trompant que l’on fait avancer les hommes et les femmes du collectif. Tous les avis peuvent s’exprimer mais c’est à chaque coopérat•rice de se positionner en fonction des informations et commentaires reçus. Des produits prêtant à discussion ont ainsi disparu des rayons, sans conflit, simplement parce que les achats se raréfiaient.
S’adapter à ses désirs et aux contraintes du territoire
A chaque collectif de se donner des priorités et principes. A Diony-Coop, nous avons privilégié les produits bio ou de qualité, sans fermer la porte à un vin non bio mais de bonne tenue ou alors à un pâté non bio mais particulièrement parfumé et agréable au goût.
Dans un premier temps, nous avons choisi de ne pas travailler avec les produits en vrac mais uniquement des produits empaquetés par les fournisseurs. Quand on a à résoudre de multiples problèmes d’organisation, il est en effet plus simple de commander vingt-quatre paquets de riz que de mettre en place un libre-service avec un sac de vingt-cinq kilos de riz, une balance, des sacs en kraft et autres ustensiles nécessaires. Ensuite, au fur et à mesure de notre développement, des coopérateurs ont mis ici et là des espaces en libre-service en fonction de leurs envies : lessive, fruits secs, huile, etc. (3).
Pour les produits frais, nous avons également décidé de ne pas les proposer pendant la période de lancement de la coopérative afin d’éviter les éventuelles pertes. Au bout d’un an, l’envie s’étant fait sentir, un groupe de coopérateurs a pris l’initiative de lancer une souscription pour l’achat de trois armoires froides. Depuis, nous avons des produits frais dans notre coopérative.
Que des solutions simples, que vous devrez expérimenter et qui perdureront ou disparaîtront au fur et à mesure du développement de votre coopérative.
(1) Terra Libra, 5 rue des Vanniers, Z. A. de la Forge, 35830 Betton,
tél. : 02 99 37 14 00, www.terralibra.fr
(2) Allusion à la série BD Iznogoud de Goscinny et Tabary.
(3) De même, parce que nous nous trouvons en région parisienne, donc dans un espace où les petits producteurs sont peu nombreux, nous avons privilégié au démarrage les commandes à de petits grossistes. Les commandes ont ensuite été revues à la baisse au fur et à mesure que les coopérateurs découvraient et faisaient entrer dans la coopérative des produits de producteurs rencontrés à l’occasion d’un déplacement quelconque.
Pour aller plus loin
■■ Vivre Bien en Aunis, B.P. 24, 17290 Aigrefeuille-d’Aunis,
tél 05 46 35 60 81.
Sur le site www.non-a831, un historique du projet et de son financement, avec les liens de nombreux documents