Article Alternatives Décroissance Transition

La Maison commune de la décroissance

Guillaume Gamblin

La Maison commune de la décroissance est née à la fin de l’année 2017. Il ne s’agit pas d’un bâtiment mais d’un processus collectif. Thierry Brulavoine explique comment a émergé cette initiative et quels sont ses objectifs.

L’histoire (française) de la décroissance est émaillée de création de petites structures et groupements qui ont tenté de converger à plusieurs reprises, et ce depuis 2007 au moins. Mais cela n’a jamais vraiment permis à la décroissance de percer et de se faire connaître du grand public. En 2015, une initiative été lancée visant à structurer la décroissance au niveau national.

"Nous avons choisi la voie longue"

Si le processus a pris deux ans, c’est qu’il avait d’emblée écarté la “voie courte” de la facilité : celle d’un appel à se rassembler pour se rassembler, autour du plus petit dénominateur commun, avec comme “produit d’appel” des “personnalités”. C’est la voie longue qui a été suivie, celle d’un travail idéologique de fond. Depuis novembre 2017, la Maison commune de la décroissance a fait le choix de la voie démocratique pour repasser sous les plafonds de la soutenabilité écologique si nous voulons vivre ensemble en société.
Comme l’indiquent ses statuts, cette "association a pour objet de faire connaître la décroissance et s’attache à construire une philosophie politique et un mouvement politique en cohérence avec cet objet".
L’élaboration d’un noyau philosophique commun (1) pose le cadre de travail associatif. Pour devenir membre, il faut d’abord adhérer à la charte de la Maison commune de la décroissance (2)
Nous considérons la décroissance comme une parenthèse politique temporelle, idéalement la plus courte possible. "La décroissance, trajet vers des sociétés écologiquement soutenables, socialement décentes et démocratiquement organisées, passe par la baisse de l’extraction, de la production, de la consommation et des déchets".

Apprendre à coopérer

Notre association s’est fondée sur une critique radicale de l’individualisme, qui fait de la décroissance une philosophie politique, c’est-à-dire une recherche de ce qui fait sens dans une vie humaine.
"Dans la Modernité, la découverte du sens de la vie est l’affaire de chaque individu isolé. Le postulat est que chaque individu a le droit de mobiliser toutes les ressources nécessaires à cette fin. Au niveau de la société, cela se traduit par une exigence non négociable de croissance : seule la croissance peut satisfaire toutes les exigences de ces individus ne devant pas être limités" (3).
Seulement nos imaginaires sont plus ou moins colonisés par cet individualisme. Nous apprenons donc à travailler ensemble et à coopérer. En résumé, l’assemblée générale (réunie plusieurs fois par an) confie à "la coopérative" de la Maison commune de la décroissance (MCD) une mission de visibilité (les tâches administratives et politiques permettant la mise en œuvre des orientations définies, en particulier la trésorerie, l’événementiel, la mise en réseaux, la communication et les porte-parole) et à "la mutuelle" le travail sur la crédibilité et la désirabilité d’un projet politique (l’élaboration, l’écriture et l’actualisation d’un manifeste, un vade mecum et des propositions programmatiques concrètes).
En créant la Maison commune de la décroissance, il y a eu une clarification sans ambiguïté de la question électorale : la MCD ne présente pas de candidat·es. Voici l’article 2 bis des statuts : "Sans aller aux élections en son nom, l’association élabore un projet et des propositions politiques qui organisent démocratiquement la décroissance. Lors des périodes électorales, l’association peut soutenir officiellement des candidatures conformes à cet objet". En cela la MCD, s’inspire du positionnement qui a prévalu chez Les Amis de la Terre jusqu’en 1984, date de création du parti Les Verts, devenu depuis le vitrioleur de l’écologie politique.
Nous accordons la priorité aux temps de rencontre pour discuter et construire ensemble un projet politique. Les adhérent·es peuvent s’investir soit dans la coopérative soit dans la mutuelle soit dans les groupes territoriaux. Ces groupes s’autogèrent et maîtrisent leur fonctionnement interne.
Une référence commune au terme "décroissance" a été actée, il y a donc différents groupes territoriaux tels que Rhône-Alpes décroissance, Bretagne décroissance, décroissance Ile-de-France, Vendée décroissance, et la constitution de groupes de travail comme "Extractivisme et décroissance".

"Nous sommes pour la décroissance du trafic aérien"

Nous rappelons notre farouche et récurrente position contre l’agrandissement de l’aéroport de Nantes Atlantique (ainsi que notre proposition de suppression des vols intérieurs). L’autolimitation individuelle et collective (les interdits de la Loi) font partie intégrante du noyau philosophique de la MCD.
Nous avons pour objectif de travailler avec toutes les organisations dites du premier cercle (antipub, antinucléaires, anti-armement, anti bagnoles, paysan·nes, cause animale). Avec pour projet l’édition de livrets en commun "Mais Comment Décroître ?".
Pour le moment nous sommes cinquante adhérent·es sans faire de campagne d’adhésion. Comme l’écrivait Eugène Guillevic dans un poème, "Ceux qui disent que l’escargot n’avance pas vite, c’est qu’ils n’ont jamais été escargot". Toutes celles et tous ceux qui veulent contribuer à faire avancer la décroissance et œuvrer à l’élaboration d’un projet politique radical et cohérent sont les bienvenu·es.

Maison commune de la décroissance,
15 rue Nicolas Rapin, 85200 Fontenay-Le-Comte,
tél. : 02 99 93 77 18 et 02 51 52 14 15,
http://ladecroissance.xyz

(1) Voir la rubrique "Histoire du processus étape 6" sur le site http://ladecroissance.xyz

(2) Celle-ci commence par "La croissance, c’est le non-sens. Le bon sens, c’est la décroissance".

(3) Giacomo D’Alisa, Federico Demaria et Giorgos Kallis, Introduction à Décroissance. Vocabulaire pour une nouvelle ère, éd. Le Passager Clandestin, 2015.

Silence existe grâce à vous !

Cet article a été initialement publié dans la revue papier. C'est grâce à vos abonnements et à la vente de la revue que nous pouvons continuer à proposer des alternatives à la société consumériste et destructrice actuelle. Sans publicité, sous forme associative, notre indépendance et notre pérennité dépendent de votre engagement humain et financier !

S'abonner Faire un don Participer