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Ce syndicaliste, un vrai poison pour les empoisonneurs !

Michel Rouger

Depuis 2010, Serge Le Quéau, irréductible militant du syndicat Solidaires dans les Côtes d’Armor, se bat aux côtés d’ouvrièr·es de l’agroalimentaire empoisonné·es par des pesticides.

Le drame se noue au printemps 2009 dans d’immenses silos de la coopérative Triskalia, l’un des géants de l’agroalimentaire breton. Pour faire des économies, la ventilation a été coupée à certaines heures. Résultat : les charançons et autres insectes envahissent les silos. La situation est telle qu’on demande à un jeune salarié de détruire les bestioles. Il y a là, stocké, du Nuvan Total, un insecticide pourtant interdit en France depuis 2007. Le salarié arrose.

Dans l’usine, des pesticides à haute dose

Quand Laurent Guillou arrive de l’usine Nutréa, la fabrique d’aliment du bétail voisine, autre filiale de Triskalia, puis attaque le monstre infecté avec sa chargeuse, quand son collègue Stéphane Rouxel embraye derrière lui avec la loco, c’est un poison redoutable que les deux hommes respirent : en avril 2009, ils consultent le CHU de Brest qui confirme l’empoisonnement.
Cela ne suffit pas à inquiéter la direction, pas plus que la Mutualité sociale agricole. L’hiver suivant, la ventilation est de nouveau coupée. Putréfaction dans les silos. Qu’à cela ne tienne : il y a le Nuvagrain, un pesticide autorisé. On va en vider des bidons, à haute dose, jusqu’à sept fois le volume autorisé. Vont revenir alors les vomissements et le reste. En mars 2010, le comité d’hygiène et de sécurité (CHSCT) enquête. D’autres salarié·es se plaignent. Le rapport accuse clairement les pesticides.

Un combat collectif, de la Bretagne à l’Europe

Désarmés, non secourus par le syndicat de l’entreprise qui craint pour l’emploi, les ouvrièr·es empoisonné·es portent plainte sans succès et frappent donc à la porte de Serge Le Quéau, militant à SUD. Celui-ci s’empare de leur défense, les aide dans leurs démarches, leur fournit un avocat, porte le drame au niveau national : le 23 septembre 2011, alors qu’ils viennent d’être licencié·es, une conférence de presse à Paris fait éclater l’affaire. Des reportages apparaissent sans amener pour autant Triskalia à négocier.
De procédure en procédure, le temps de la justice est infini. Mais le soutien émerge. Un dimanche matin de février 2015, en prenant leur petit-déjeuner dans leur pavillon de la banlieue rennaise, Jacqueline et Michel Besnard sont révolté·es par une « histoire de grains pourris » sur France Inter. Grâce à eux, un très actif Collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’Ouest rejoint les ouvrièr·es de Triskalia. Ils et elles participent ensemble à la bataille européenne contre les pesticides, telle celle du glyphosate. Le 15 décembre 2017, au bout de sept ans de bataille, deux des ouvriers empoisonnés puis licenciés, Laurent Guillou et Stéphane Rouxel, ont enfin gagné devant les prud’hommes de Lorient. Mais ils continuent leur combat, au pénal cette fois. Le combat de la dignité.

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