Depuis les années 2000, le mouvement de la décroissance est décrié par les « personnes raisonnables » et taxé d’alarmisme. Pourtant, généralement les décroissant·es ne prédisent, au pire, que de revenir à une société symbolisée par la fin du pétrole et le retour au labour tiré par un cheval de trait. Or, dès 1972, le rapport Meadows était nettement plus alarmant. Aujourd’hui, d’autres ouvrages de la même veine, tel l’ouvrage de Servigne et Stevens de 2015, intitulé Comment tout peut s’effondrer, ouvrent la voie à un nouveau courant que l’on pourrait qualifier « d’effondrisme » [1].
Tirer la sonnette d’alarme
Selon Gaël Giraud, chercheur au CNRS et chef économiste de l’Agence Française du développement, les prédictions catastrophiques d’un effondrement de la démographie en 2020 ou en 2050 du Club de Rome [2] sont en train de se réaliser. Le pic pétrolier conventionnel de Hubert a été atteint autour de 2005. Le pic pétrolier, toutes techniques d’extractions confondues, sera atteint selon les analystes entre 2030 et 2050. Conjugué aux problèmes climatiques et à la hausse démographique très forte en Afrique, cela promet de graves catastrophes. À la fin du siècle il devrait y avoir plus de deux mètres d’accroissement du niveau de la mer, donc les deltas seront sous l’eau, or des millions de personnes cultivent dans ces zones. La fonte des glaciers, la désertification forte, l’effondrement de la fertilité des sols sur la zone équatoriale à cause de l’élévation de la température, la baisse de la production du phosphate qui sert d’engrais, l’épuisement des ressources aquifères profondes (c’est-à-dire des réserves d’eau)... Tout cela posera un grave problème pour produire suffisamment d’alimentation mondialement. Le climat de Bordeaux en France sera celui de Séville dans une génération (dans 25 ans, donc vers 2040) et le climat de Paris celui de Bilbao (qui est située au Nord de l’Espagne).
Le réchauffement climatique s’accélère
Les objectifs des accords de Paris de 2015 prévoient de limiter l’élévation de la température à 2°C, cependant les instruments de régulation néolibérale ont montré leurs inefficacités depuis plus de 20 ans. En effet, les températures s’élèvent sans cesse de plus en plus rapidement. C’est pourquoi, de nombreux climatologues et économistes notamment estiment que le réchauffement climatique pourrait atteindre au moins 4°C en 2100.
Une élévation de la température moyenne mondiale de 4°C engendrerait une désertification de la majorité de la planète et donc une baisse drastique de la production agricole et donc alimentaire d’après la FAO et la Banque Mondiale [3]. En 2015, Guy R. McPherson, professeur émérite d’écologie et de biologie de l’université d’Arizona estime que « le commerce – comme – d’habitude (business–asusual) place la Terre sur le chemin d’un réchauffement de +6°C d’ici 2050, selon la très conservatrice Agence Internationale de l’Energie (AIE), qui est loin d’être l’ennemi du ’’commerce – comme - d’habitude’’. L’évaluation de l’AIE ne prend en considération qu’un seul gaz à effet de serre, le dioxyde de carbone. En ajoutant uniquement le méthane, on obtient une date bien plus proche pour le moment où les humains ne pourront plus vivre sur Terre, selon beaucoup de scientifiques ». Certain·es expert·es du GIEC prédisent même une augmentation de 8°C en 2100.
La Banque Mondiale estime « qu’à mesure que le réchauffement se rapproche de la barre de 4 °C, on peut s’attendre à de graves conséquences susceptibles de déclencher des réactions en cascade qui dépassent les seuils de tolérance des systèmes essentiels à l’environnement et à la vie humaine. Les conditions climatiques, les vagues de chaleur et d’autres phénomènes météorologiques extrêmes considérés comme exceptionnels ou sans précédent aujourd’hui deviendraient la nouvelle norme climatique — dans un monde caractérisé par un accroissement des risques et l’instabilité. Si promouvoir le développement humain, éliminer la pauvreté, accroître la prospérité pour tous et réduire les inégalités dans le monde seront des actions difficiles à mener dans une planète à + 2 °C, il est fort peu probable qu’elles ne soient jamais réalisées à 4 °C de réchauffement » [4].
Vers une planète asséchée
Sur la base de ces différentes études scientifiques, une carte édifiante publiée par le New Scientist montre à quoi ressemblerait la planète avec 4°C supplémentaires. La majorité de la planète serait donc asséchée, voire désertifiée, ou soumise à des intempéries dévastatrices pour l’agriculture sur l’ensemble du globe, à l’exception de la partie haute de l’hémisphère Nord située au-dessus de la Belgique. Ainsi, de nouvelles zones potentiellement cultivables auraient supplantées les glaces du pôle Nord, mais elles ne compenseraient pas du tout les gigantesques pertes au Sud. Seules quelques rares et étroites zones vertes cultivables subsisteraient au Sud de la latitude de Bruxelles. Ce qui générerait un accroissement énorme des famines et donc de la mortalité [5].
Face à l’incertitude, il y a l’attitude des combatifs irréalistes contre celle des défaitistes réalistes. Mais il existe une troisième attitude, celles des combatifs réalistes. C’est-à-dire qu’ils considèrent qu’il ne faut pas se décourager devant la
catastrophe à venir, mais continuer à agir, afin de développer des solutions pour limiter les dégâts écologiques, pour préparer la reconstruction avec les survivant•es de ce grand cataclysme planétaire. Toutes les alternatives socio-économiques et écologiques imaginées et expérimentées à présent sont donc indispensables pour reconstruire ensuite une nouvelle société. C’est pourquoi il faut agir maintenant, sans se désespérer, afin de préparer le futur.