C’est le premier jour de l’hiver à la Zad de Notre-Dame-des-Landes. Côté ouest de la zone, à deux pas de la ferme de Bellevue, une parcelle fait sa mue depuis quelques mois. À l’entrée, un grand hangar et des outils disposés pêle-mêle. Derrière, plusieurs rangées de plantes aromatiques et médicinales.
Nous sommes au Très petit jardin bio de Virginie Philippe et Xavier Richard. Le couple nous invite à l’intérieur de sa caravane.
Virginie, 45 ans, et Xavier, 51 ans, sont paysan·nes herboristes depuis 2012. Établis à Sainte-Anne-sur-Vilaine, à une cinquantaine de kilomètres de Notre-Dame-des-Landes depuis cinq ans, leur activité a déménagé à la Zad en 2017, sur un terrain d’un hectare. Il leur a fallu déplanter – et replanter – toutes leurs espèces (70 en tout), en prenant soin de bien choisir le moment pour
ne pas les tuer.
« Le projet qui se construit ici depuis dix ans est enthousiasmant »
« Le projet qui se construit ici depuis dix ans est enthousiasmant. Il répond aux trois crises – écologique, énergétique et sociale – que nous vivons. On imagine d’autres possibles. Là, les gens pensent que tout n’est pas foutu. Et malheureusement, des projets qui donnent espoir d’un monde meilleur, dans notre société, il y en a peu… » résume Xavier.
Un pari militant ? « On ne milite pas pour qu’il y ait des changements, on est – ou du moins, on essaye d’être – le changement. On ne se bat pas contre le gouvernement, on se bat pour que les générations futures puissent vivre, pour qu’on ne crame pas toutes les ressources, pour que les inégalités ne s’accroissent pas », poursuit Virginie dans un sourire bienveillant.
Des paysan·nes, ici, il y en a d’autres, mais ce sont les seul·es à avoir déménagé une activité déjà installée ailleurs. « Quand nous sommes venus présenter notre projet à Sème ta Zad [qui appelle à cultiver les terres collectivement], l’accueil a été froid puisque le collectif craignait le côté marchand de notre activité, dans la mesure où l’on vend nos tisanes, sirops et cosmétiques sur le marché à Nantes, en Biocoop, et dans des groupements d’achat. Leur crainte était que des personnes s’installent dans une logique de profit individuel. Après discussions et explications, sur le fait notamment qu’on travaille de manière non mécanisée, mais aussi qu’on a une culture commune d’autogestion, notre démarche a été comprise », dit Virginie. Désormais, le couple participe aussi au « non-marché » hebdomadaire de la Zad, où l’on trouve toutes les denrées produites par les paysan·nes, gratuitement ou à prix libre.
Cueillettes sauvages collectives
« Le fait de rejoindre la Zad nous a aussi fait changer. On propose désormais des cueillettes sauvages collectives et chaque semaine des chantiers ouverts à tous », explique le couple.
L’éventuelle évacuation de la Zad est-elle dans leurs têtes ? « S’installer ici, c’était un risque conscient, mais on apprend à affronter nos peurs. S’il se passait quelque chose, on perdrait tout ce qu’on a investi, qui n’est rien d’autre que ce que l’on a, explique Virginie. On pense aussi à la résistance et au courage de ceux qui sont installés ici depuis longtemps, qui ont lutté pour préserver ces terres. Là, vous voyez, aujourd’hui, des avions pourraient être en train de décoller, on est précisément sur le trajet de la piste ».