Mercredi 17 janvier, midi. Ça y est, après cinq décennies de lutte, le gouvernement enterre le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Le poste de radio diffuse alors la joie incroyable des opposant·es historiques au projet, de celles et ceux qui sont venus lutter, vivre et construire sur la Zad [1], de celles et ceux, qui, très nombreu·ses, de près ou de loin, chacun·e à sa manière, ont contribué à cette victoire.
Ces scènes de liesse, nous ne les avons pas vécues. Nous, c’est quelques militant·es breton·nes habitant hors de la zone. Nous sommes passé·es instantanément de l’étape « lutte contre l’aéroport » à l’étape « lutte pour que la Zad continue à vivre », sans passer par la case « fête »...
Depuis deux mois, les médias de masse déversent frénétiquement des images de ce « camp retranché » truffé de « pièges » et de « caches d’armes » que serait la Zad. Pour nous, ce battage médiatique veut légitimer le recours à la violence pour expulser une partie de la zone et diviser les différentes composantes de la lutte.
Alors, le jour de la déclaration d’Édouard Philippe, apprenant que des compagnies de gendarmes mobiles déferlent sur la Bretagne, nous croyons au pire. Pas de fête, place au branle-bas de combat. Qu’est-ce qui nous dit que le « retour à l’état de droit » de la route D 281 [2] ne servira pas de prétexte à un nettoyage des ses alentours par les forces de l’ordre ? Nous enchaînons alors les coups de fil, tentons de recueillir des informations de la situation. Rien de précis, sinon des camarades qui partagent nos inquiétudes. Dans le doute, les cartes de la zone sortent des tiroirs, et nous faisons l’inventaire du matériel nécessaire en cas d’expulsion : vêtements chauds, masques à gaz, nourriture, etc. Certain·es prennent même des jours de congé, au cas où. Les sacs sont prêts. Le stress est au plus haut. Finalement, à la nuit tombée, il n’y a toujours pas d’appel clair de la Zad à venir la défendre. Là-bas, ils doivent faire sacrément la fête [3]. Nous, nous nous calmons. Et nous préparons plus sereinement les semaines à venir.
Car, si la victoire est indéniable, la lutte est loin d’être terminée. L’État tentera de faire rentrer dans ses cadres une partie des opposant·es, d’imposer ses normes et son capitalisme « vert », et d’expulser les réfractaires. Peut-être très prochainement [4]. Comment dès lors défendre l’avenir de la Zad et ses multiples expérimentations sociales et agricoles ? La lutte contre l’aéroport prend fin, celle contre son monde ne fait que commencer.
Corto, militant libertaire et écologiste