Avant l’avènement de la société industrielle, la semence était un bien commun par excellence. Elle s’échangeait librement, était sélectionnée par les paysan·nes et ne dépendait d’aucune législation. La modernisation et la rationalisation de l’agriculture au 20e siècle ont mis à mal ce statut des semences, qui sont peu à peu devenues la propriété de certain·es au détriment du plus grand nombre. En Europe est apparue un nouvelle profession, celle de semencier. Ce n’est plus le paysan ou la paysanne qui sélectionne et prend soin de ses semences, mais un·e expert·e.
Cette division des tâches a été accentuée par le développement de grandes industries semencières et d’une législation de plus en plus contraignante. En France, depuis 1961, c’est le Certificat d’obtention végétale (COV) qui assure un droit de propriété intellectuelle en agriculture. La semence devient alors une marchandise : il faut l’acheter, et si l’on souhaite la reproduire, il faut payer des royalties (1).
Face à ce processus d’accaparement des graines par des industries semencières qui brevettent la nature, les pas de côté se multiplient et les initiatives qui promeuvent une utilisation libre de la semence fleurissent. Cette lutte se retrouve dans le monde paysan qui se réapproprie semences et savoir afin de promouvoir une agriculture paysanne, comme nous l’expliquent des membres de l’ADEAR (2) de Rhône-Alpes. L’association Graines et cinéma a mis en place un réseau de collecte de semences paysannes de la France vers la Syrie et vient d’ouvrir une ferme-école au Liban pour permettre à la société civile de se lancer dans la production de ses propres moyens de subsistance. Les semences libres sont donc vecteurs d’autonomie et facteur de liens, comme nous le rappelle l’Ami graines en s’appuyant sur l’exemple de la Grainothèque du Roannais.
Martha Gilson
(1) Redevance due au propriétaire d’un brevet.
(2) Les ADEAR sont les Associations pour le développement de l’emploi agricole et rural. Elles regroupent des paysannes et des paysans, pour majorité membres de la Confédération Paysanne, et d’autres acteurs du monde rural réunis par l’envie de partager leur expérience et leurs savoirs faire pour permettre de maintenir et de faire vivre les valeurs de l’agriculture paysanne.