Pour maintenir le programme nucléaire à son niveau d’activité actuel, EDF et Areva doivent recruter entre 6 000 et 8 000 ingénieur·es par an. Aujourd’hui la situation devient délicate car les grandes écoles voient leurs étudiant·es se détourner massivement de l’option nucléaire.
Ainsi l’INSTN, Institut national des sciences et techniques nucléaires, développé par le Commissariat à l’énergie atomique, accueille en principe une centaine d’élèves ingénieurs par an. Pour la rentrée 2017, il n’y a eu que 60 candidatures ! [1] Il n’y a plus de sélection pour entrer dans l’école depuis l’accident de Fukushima.
Les réacteurs de recherche mis en fonction dans les années 1960, RUS à Strasbourg, Ulisse et Isis à Saclay, ne seront pas remplacés. Les deux premiers ont déjà été arrêtés, le dernier doit l’être d’ici 2020.
En 2012, 30 % des diplômé·es de Mines ParisTech s’orientaient vers le secteur de l’énergie. En 2014, ce n’était plus que 19 %, en 2016, 14 %. Et la plupart s’orientent vers les énergies renouvelables, pas vers le nucléaire. L’image de marque d’EDF est tellement mauvaise que même hors secteur nucléaire, l’entreprise a du mal à attirer les jeunes.
Cela ne coince pas seulement au niveau des ingénieur. es : Areva a le plus grand mal à trouver des soudeu·ses.
Un monde de vieillard·es ?
Nos gouvernants successifs ont bien conscience du problème : en 2016, Emmanuel Macron, alors ministre, avait missionné Yves Bréchet, haut-commissaire à l’énergie atomique, pour mettre en place un plan de « maintien des compétences critiques chez Areva ». Avant lui, le directeur de l’ingénierie nucléaire d’EDF, Bernard Salha, avait reconnu que « Le chantier de l’EPR est un formidable instrument pour former des centaines d’ingénieurs » [2]. La désorganisation du chantier de l’EPR, ses incroyables retards (dix ans actuellement) et l’important dérapage financier, montrent à l’évidence que nous avons déjà perdu les compétences nécessaires au maintien de ce secteur.
Reste que 58 réacteurs sont en marche, avec un personnel de plus en plus âgé, sans véritable possibilité de succession. Vouloir prolonger la durée de vie des réacteurs est déjà un pari dangereux, mais vouloir retarder l’âge de la retraite du personnel n’est pas une solution.