Extraits d’un article initialement publié dans la revue Sortir du nucléaire n°73
Sous Sarkozy et Hollande, il y a eu pas moins de huit rencontres en neuf ans entre les présidents français et le président kazakh, Nazarbaïev [1]. Mais pourquoi toutes ces visites ? Pour alimenter en uranium à la fois la production électronucléaire de la France et sa force de frappe atomique. Même s’il faut pour cela pactiser avec le président Nazarbaïev, richissime dictateur à la tête du pays depuis son indépendance en 1991.
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Areva au Kazakhstan : une croissance diabolique et des contrats douteux
Les autorités kazakhes ont délivré progressivement des permis miniers de plus en plus colossaux aux Français : en 1999, la société Katco, une filiale franco-kazakhe de la compagnie nationale Kazatomprom, se voit accorder un premier permis d’exploitation dans le désert de Muyunkum pour 100 tonnes d’uranium concentré par an. En 2004, le site minier de Tortkuduk obtient une autorisation jusqu’à 1 500 tonnes par an, soit un peu plus de 10% des besoins d’Areva. En 2008, la présidente d’Areva Anne Lauvergeon signe un accord avec le directeur de Kazatomprom Moukhtar Djakichev, augmentant la production de Katco à 4 000 tonnes par an pendant 30 ans. Les contreparties de ces accords, éminemment stratégiques pour l’industrie nucléaire française, sont restées secrètes.
Un an plus tard, le 1er avril 2009, le partenaire d’Areva Moukhtar Djakichev fait l’objet d’une enquête pour détournement de fonds, corruption et vente illégale de gisements miniers à des intérêts étrangers. Puis il est rapidement emprisonné dans les geôles kazakhes, rejoint deux jours plus tard par ses trois principaux collaborateurs. L’année suivante, il est condamné à 14 ans de prison de haute sécurité. Le 1er avril 2014, le nouveau partenaire d’Areva, Valery Shevelv, à Kazatomprom, est condamné à 2 ans de prison pour un détournement de 710 millions de dollars.
Pour extraire l’uranium dans les steppes kazakhes, on injecte dans des forages de l’acide sulfurique qui est ensuite repompé à la surface. Cette méthode, appelée lixiviation in situ (ISL), laisse d’abondants déchets radioactifs et épuise rapidement les sols. Il faut alors forer un peu plus loin. Le procédé laisse des concentrations toxiques de métaux lourds dans les nappes phréatiques. Ces mines d’uranium sont situées dans les steppes désertiques d’un pays 4 fois moins peuplé que la France, mais 4 fois plus vaste. Cette pollution persistera pendant des milliers d’années.
Des contrats mettent en concurrence les travailleurs du nucléaire français avec le Kazakhstan. Areva divulgue ses technologies de pointe au Kazakhstan, qui a pour ambition de fabriquer du combustible nucléaire pour les centrales asiatiques. Mais Areva, en grande difficulté financière, ne parvient pas à attirer les capitaux kazakhs. Le plus souvent, les négociations sont des revers pour l’industriel tricolore [2].
Kazakhstan : un désarmement nucléaire en trompe-l’oeil
Depuis la dissolution de l’Union soviétique en 1991, le Kazakhstan a pris de nombreuses initiatives pour le désarmement nucléaire sur la scène internationale, à commencer par la fermeture du polygone de Semipalatinsk. Le pays travaille en étroite coopération avec l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) contre la prolifération nucléaire, en accueillant notamment des négociations sur le programme nucléaire de son voisin iranien. Aujourd’hui, l’Iran veut acheter 950 tonnes d’uranium kazakh pour industrialiser son programme nucléaire.
En 2008, le Kazakhstan s’est proposé d’établir une banque internationale de combustible nucléaire de l’AIEA, sur le site de l’usine métallurgique d’Oulba à Öskemen. Mais en 2013, plus de 8000 kazakhstanais·es ont signé une pétition demandant l’annulation de l’accord d’importation de combustible nucléaire.
Jusqu’où iront les ambitions kazakhs pour l’uranium ? À première vue, les limites semblent surtout dictées par le cours de l’uranium : en janvier 2017, alors que l’uranium dégringole à moins de 20 dollars la livre, le Kazakhstan renonce à produire 2000 tonnes par an, soit 10% de sa production. Le cours de l’uranium augmente alors légèrement d’environ 10%. Mais gageons que d’autres difficultés viendront contrecarrer les plans de l’industrie minière de l’uranium, dont les nuisances sont énormes... L’uranium kazakh est un métal puissant mais nuisible qui, tel un dragon, ferait mieux de rester sous terre !
Les transports de l’uranium du Kazakhstan vers la France sont confidentiels, dangereux et régulièrement contestés en traversant Allemagne.
Pour rejoindre l’usine d’Aréva-Malvési dans la banlieue de Narbonne – le seul point d’entrée de l’uranium en Europe - des conteneurs d’uranium concentré (« yellow cake ») parcourent environ 4 000 km de rails à travers le Kazakhstan et la Russie européenne. Quand ils arrivent à Saint-Pétersbourg, ils sont chargés sur un bateau à destination de Hambourg. Enfin, ils sont à nouveau transportés sur 1 600 km de rails en Allemagne puis en France via Metz, Dijon, Valence et Montpellier. Ces transports via les ports allemands ont lieu tous les mois environ.
Le 10 novembre 2014, des militants allemands de l’organisation « Robin Wood » ont bloqué un train transportant du « yellow cake » à son départ du port de Hambourg. Le train est ensuite reparti vers la France.
À Narbonne, une soixantaine de militant·es ont attendu un train de transport de minerai d’uranium de pied ferme le samedi 13 février 2015, mais il a été volontairement retardé pour éviter cet accueil.
Si vous êtes intéressé·es pour participer à la campagne du réseau Sortir du nucléaire contre les transports d’uranium entre Hambourg et Narbonne, merci de les contacter à cette adresse : mobilisations@sortirdunucleaire.fr ou sur le 06 85 23 05 11 (Laura) ou 07 60 15 01 23 (Mélisande).