Dossier Agriculture biologique Alternatives Permaculture

Expérimenter au Cap de la Terre

Michel Bernard

L’été 2017, les Ami·es de Silence se sont retrouvé·es sur le terrain du Cap de la Terre, où s’expérimentent permaculture, arboriculture et éducation populaire. Une initiative née de la volonté de jeunes étudiant·es.

Fiche d’identité
Localisation : près de Clermont-l’Hérault (centre du département) • Création : 2015 • Superficie : 4 hectares • Association de 300 personnes • 2 personnes en contrat aidé • Terrain offert • Membre du réseau des Foyers ruraux

Le lieu-dit Cap de la Terre se trouve en bordure de la Lergue, une rivière sujette à de fortes crues, à l’est de Clermont-l’Hérault. C’est là qu’Alissa et Jean-Pablo animent la mise en place d’une ferme expérimentale et pédagogique.

Au commencement

Jorge, réfugié politique uruguayen, éducateur spécialisé à la retraite et Jean-Pablo, son fils, entretiennent deux hectares de terres agricoles et deux hectares de forêts depuis de longues années.
Jean-Pablo, 30 ans aujourd’hui, a obtenu un BTS agricole à Castelnaudary et une licence en intervention sociale. À la fin de ses études, il rend visite à sa famille en Uruguay, y découvre des fermes traditionnelles rackettées par les banques, avec des cultures intensives de canne à sucre et, à côté, des jardins familiaux.
À son retour, il se lance dans l’animation à Montpellier et organise des chantiers d’entretien des berges de la Lergue : « Chaque automne, à cause du bois mort, la crue est dévastatrice : l’eau peut monter de 8 m en quelques minutes. »

Paysages et chantiers nature

Jean-Pablo explique que « traditionnellement, les berges étaient entretenues car, en Méditerranée, les ressources de la forêt sont précieuses. Le bois servait pour tout : construction, confection, chauffage, fourrage, etc. Il n’y avait pas ou peu de bois morts charriés par les crues et qui, portés par les flots, dégradent les berges ».
Le chantier a commencé par le fait d’enlever les embâcles (ce qui s’accumule après chaque crue), élaguer les arbres menacés par les courants forts des crues, et planter des essences qui maintiennent les rives et l’équilibre écologique. « Les participants repartent avec du bois de chauffe, participent à des ateliers de création avec du bois flotté et des branches de saule de vannier. »
Les chèvres viennent pâturer sur les berges pendant la saison sèche. « Le pâturage est prudemment géré pour entretenir les berges car laisser les chèvres trop longtemps dégraderait la forêt. »
Les chantiers sont rapidement associés à des fêtes et ateliers : « Pour le coup, on va réellement à l’école Buissonnière ! »
En 2015, l’association Lergue et les amarres se crée pour apporter une cohérence entre les actions de gestion et de protection des berges de la Lergue et les actions éducatives. De plus, les personnes sont assurées et la gestion de l’association permet de s’équiper et d’accompagner des jeunes en volontariat ou en stage d’étude. Plus de 300 personnes adhèrent à l’association.
À chaque printemps, une itinérance à vélo depuis les facultés de Montpellier jusqu’aux berges de la Lergue est organisée : « la Nature en vélo ». « La NaVé, pour les adeptes, est l’occasion de passer devant différents paysages, de prendre le temps de les observer et de les comprendre. »

Un cadre qui se prête à l’accueil

Alissa, 23 ans, étudiante en master de Sciences de l’éducation, est référente des projets d’éducation de l’association. Selon elle, « l’art est une forme d’éducation, et l’écologie une science et une éthique ».
Dans le cadre de son service de volontariat civique (SCV) auprès de l’association L’Ouvre-Tête [1], elle découvre et anime des ateliers de permaculture, de communication non-violente et de création. Elle est à l’initiative de la création de l’association Lergue et les amarres et s’associe avec Jean-Pablo pour concevoir une ferme expérimentale et pédagogique : le Cap de la Terre.
Ils montent des partenariats avec des associations d’éducation populaire, en particulier des mouvements de scoutisme laïque et bouddhiste comme les Éclaireuses Éclaireurs de France (EEDF) [2] et les Éclaireurs de la Nature [3]. « Le scoutisme nous apprend à vivre ensemble, à nous organiser collectivement, à comprendre les fondements d’une société de solidarité, d’égalité, de liberté et de démocratie. Il nous apprend à nous installer et à occuper temporairement un lieu en pleine nature afin d’apprendre à se respecter, respecter les autres, l’environnement puis à quitter les lieux sans laisser de trace. »
Des toilettes sèches emploient la sciure locale, les produits utilisés sont biodégradables (lessive de cendre, savon naturel…). Des arbres sont plantés, des buttes autofertiles sont créées, les poules recyclent en partie les déchets organiques.
« La ferme du Cap de la Terre s’inspire de ces valeurs et propose comme principe d’agir plus que de consommer. Il s’agit de présenter une oasis militante. »

Agroforesterie et permaculture

« L’idée est de faire évoluer le terrain pour en améliorer la résilience et la production. Les notions de paysage et de dynamique environnementale (comme le climat) sont prises en compte dans la conception de la ferme. »
Le verger du père se transforme, et les cultures maraîchères s’installent entre les arbres : l’agroforesterie vise à obtenir un jardin-forêt.
Le maraîchage, métier aujourd’hui mal rémunéré, est pour l’instant limité à l’autoconsommation. Toutefois, le jardin bénéficie de l’aide des chantiers et des animations.
Ceci se fait en lien avec les associations et collectifs locaux pour une agriculture respectueuse de l’environnement, qui sont nombreux et dynamiques : le Collectif des semenciers du Lodévois [4], l’association Humus Sapiens Pays d’Oc [5], Paysarbre  [6]
De plus, un projet de Boutique des sciences prévoit que des étudiant·es et artisan·es puissent mettre en place des pôles de recherche indépendants des lobbys, afin d’améliorer les pratiques et protéger le vivant [7].

Vers une ferme et une université populaire

Pour développer les activités sur place, l’association a intégré le réseau des Foyers ruraux [8], dynamique dans le domaine de l’éducation populaire.
Après trois ans de réflexion et de mise en place, le printemps 2018 devrait voir l’organisation d’une Université populaire autour des questions de la valorisation des ressources naturelles et locales. Les ateliers pratiques qui se déroulent actuellement devraient alors être complétés par des cycles de conférences. Cela nécessite tout un travail en amont pour trouver les intervenant·es partenaires. Alissa espère être embauchée comme animatrice pédagogique.
Jean-Pablo voulait lancer une activité de pépinière en ripisylve (végétation de bord de cours d’eau), mais « il n’était pas possible de faire un projet viable sans passer par une grosse entreprise ». Il a donc changé d’idée et travaille maintenant avec un ingénieur en microbiologie pour lancer en 2018 une production de spiruline. Il a déjà visité plusieurs centres, a suivi des stages et reçu des formations de la Fédération des spiruliniers [9]. Il souhaite travailler dans le sens du développement d’une filière bio [10]. Le démarrage, qui demande un certain budget (50 000 euros), bénéficie jusqu’en 2019 d’une aide européenne qui couvre la moitié des investissements. Pour le moment, Jean-Pablo dispose d’un emploi aidé avec l’association ; sa mission est de mettre en place l’Université populaire.
Le groupe est soutenu par ses voisin·es viticult·rices et une écurie proche, avec qui il
pratique régulièrement l’entraide. Il compte également sur la mairie de Saint-André-de-Sangonis pour le soutenir dans son installation. La conseillère en environnement de la commune est déjà prête à soutenir le projet.
Le Cap de la Terre, ce ne sont pas que des crues à l’automne : ça bouillonne d’idées toute l’année.

Pour aller plus loin
■■ Association Lergue et les amarres,
appt 7B, cours de la Chicane, 41 résidence des Diagonales, 34800 Clermont-l’Hérault,
https://lergueetlesamarres.wordpress.com

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Notes

[1L’Ouvre-Tête, association étudiante née en 2006, se donne pour but de mettre les cerveaux en mouvement.
Case courrier 32 Université Montpellier 2, place Eugène-Bataillon, 34095 Montpellier, tél : 04 67 14 41 39, https://ouvre-tete.fr

[2Mouvement de scoutisme laïque www.eedf.fr

[3Mouvement de scoutisme bouddhiste www.edln.org

[4Collectif des semeurs du Lodévois, La Roque, 34700 Olmet, tél : 06 13 45 58 44, http://semeurslodevoislarzac.org

[5Humus Sapiens Pays d’Oc, réseau de permaculture en pays d’Oc, http://humuspaysdoc.fr

[6Association Paysarbre, 13 place Alsace-Lorraine, 34700 Lodève, www.paysarbre.org

[7Boutique de sciences, bede@bede-asso.org, tél : 04 67 65 45 12.

[8Fédération des foyers ruraux de l’Hérault, 7 place de la Vierge, 34520 Le Caylar, tél : 04 67 88 71 01 www.mouvement-rural.fr

[9Voir p. 16-17

[10La spiruline est souvent produite avec des ajouts comme du bicarbonate de sodium ou du gaz carbonique.

[11L’Ouvre-Tête, association étudiante née en 2006, se donne pour but de mettre les cerveaux en mouvement.
Case courrier 32 Université Montpellier 2, place Eugène-Bataillon, 34095 Montpellier, tél : 04 67 14 41 39, https://ouvre-tete.fr

[12Mouvement de scoutisme laïque www.eedf.fr

[13Mouvement de scoutisme bouddhiste www.edln.org

[14Collectif des semeurs du Lodévois, La Roque, 34700 Olmet, tél : 06 13 45 58 44, http://semeurslodevoislarzac.org

[15Humus Sapiens Pays d’Oc, réseau de permaculture en pays d’Oc, http://humuspaysdoc.fr

[16Association Paysarbre, 13 place Alsace-Lorraine, 34700 Lodève, www.paysarbre.org

[17Boutique de sciences, bede@bede-asso.org, tél : 04 67 65 45 12.

[18Fédération des foyers ruraux de l’Hérault, 7 place de la Vierge, 34520 Le Caylar, tél : 04 67 88 71 01 www.mouvement-rural.fr

[19Voir p. 16-17

[20La spiruline est souvent produite avec des ajouts comme du bicarbonate de sodium ou du gaz carbonique.

[21L’Ouvre-Tête, association étudiante née en 2006, se donne pour but de mettre les cerveaux en mouvement.
Case courrier 32 Université Montpellier 2, place Eugène-Bataillon, 34095 Montpellier, tél : 04 67 14 41 39, https://ouvre-tete.fr

[22Mouvement de scoutisme laïque www.eedf.fr

[23Mouvement de scoutisme bouddhiste www.edln.org

[24Collectif des semeurs du Lodévois, La Roque, 34700 Olmet, tél : 06 13 45 58 44, http://semeurslodevoislarzac.org

[25Humus Sapiens Pays d’Oc, réseau de permaculture en pays d’Oc, http://humuspaysdoc.fr

[26Association Paysarbre, 13 place Alsace-Lorraine, 34700 Lodève, www.paysarbre.org

[27Boutique de sciences, bede@bede-asso.org, tél : 04 67 65 45 12.

[28Fédération des foyers ruraux de l’Hérault, 7 place de la Vierge, 34520 Le Caylar, tél : 04 67 88 71 01 www.mouvement-rural.fr

[29Voir p. 16-17

[30La spiruline est souvent produite avec des ajouts comme du bicarbonate de sodium ou du gaz carbonique.