Dossier Alternatives Décroissance Transition

Des communautés à la recherche d’un nouveau souffle

Michel Bernard

Les communautés de l’Arche sont nées à la fin des années 1940, s’inspirant de la démarche de Gandhi en Inde. Il s’agissait de construire et de vivre un autre modèle de société, basé sur la non-violence. Soixante-dix ans après, les communautés de l’Hérault cherchent une nouvelle dynamique.

Fiche d’identité
Localisation : sud du Larzac, nord du département de l’Hérault • Création : 1948 • Plusieurs communautés dont deux dans l’Hérault, sur d’anciennes fermes • 9 adultes et 5 enfants à la Flayssière pendant l’année, plus en été • Sobriété et grande autonomie

L’ Arche est née à la fin des années 1940 à l’initiative de Lanza del Vasto [1] après sa rencontre avec Gandhi en 1937. « Il s’agissait d’essayer de construire et de vivre un autre modèle de société basé sur la non-violence vécue dans tous les aspects de la vie, la fraternité, le partage des ressources et des biens face à la course au pouvoir et au profit. » L’engagement civique pour défendre la dignité des personnes et le respect de la terre et de la vie a été constant : contre les tortures en Algérie, contre le nucléaire civil et militaire, pour les paysan·nes du Larzac, et plus récemment, à l’initiative de Jean-Baptiste Libouban [2] de la communauté de la Flayssière, contre les OGM avec les Faucheurs volontaires [3], ou contre l’implantation à tout-va d’éoliennes industrielles.
La communauté de la Flayssière est située au sud du plateau du Larzac, dans un repli du Causse sur le domaine de la Borie Noble, où l’implantation date de 1962. Actuellement y vivent quatre couples d’engagé·es, dont deux avec de grands enfants poursuivant des études, et un « postulant » [4].
Tout au long de l’année, la communauté accueille de nombreuses personnes qui viennent expérimenter cette vie. Certaines pour un répit dans leur parcours, d’autres pour envisager de s’y intégrer. « L’accueil est une respiration, un enrichissement des personnes, venues des quatre coins du monde, comme les permanentes, et d’horizons culturels et sociaux différents. »
Dans ses directions, la communauté n’a pas changé. Elle manifeste une volonté de vivre au présent dans la société, en s’adaptant aux exigences des normes de sécurité pour l’accueil, et aux normes sanitaires, en particulier pour la fromagerie, tout en acceptant les limites et les besoins des personnes. De ce fait, depuis notre passage précédent, il y a vingt ans, le principal changement est l’installation de l’électricité, en 2006, et de l’eau courante, qui arrive dans chaque logement.

Le déroulement d’une journée

Une journée dans la communauté commence par une « prière commune », à 8 h 30, en lien avec une tradition religieuse ou la lecture d’un texte d’un « chercheur de vérité ». Elle est suivie par les nouvelles du jour et l’organisation du travail. À 13 h, le repas communautaire est végétarien. Les petits-déjeuners et le repas du soir se prennent en famille. Ils et elles se retrouvent parfois en soirée pour des activités proposées par les un·es et les autres : cinéma, débat, yoga, méditation…
Le travail consiste en un peu d’élevage (quatre vaches, deux ânes, des poules), un grand potager bio qui assure une partie des besoins, l’entretien des bâtiments et du matériel, la vente sur les marchés, la poterie [5], le bûcheronnage, etc. Le travail est partagé selon les capacités de chacun·e. Les plus âgé·es sont dispensés de tâches obligatoires, mais aident le plus souvent à la cuisine.
Quatre fois le matin, il y a des « rappels » : une cloche sonne, et tout le monde interrompt son travail pour observer un moment de réflexion intérieure et se rappeler que le travail n’est pas une finalité en soi.

L’écologie dès les années 1950

« L’écologie, la solidarité et la sobriété sont les trois pieds du rouet de Gandhi pour notre époque. » L’Arche était pionnière dans le domaine de l’écologie dès les années 50. Aujourd’hui, à la Flayssière, des capteurs photovoltaïques et des panneaux solaires ont été installés pour limiter l’utilisation de l’énergie électrique nucléaire du réseau.
Une maison en bois et en matériaux écologiques a été construite pour agrandir l’habitat. Une station phytosanitaire a été installée. Les toilettes sèches ont été améliorées, dont les dépôts servent pour des terrassements. Dans tous les travaux d’aménagement ou d’entretien, des amis solidaires viennent bien souvent aider.

Deux formes de non-violence ?

« L’activité essentielle d’une communauté reste le ‘vivre ensemble’ dans l’intergénérationnel. Il s’agit d’avancer ensemble dans l’écoute et le soutien mutuel, d’être ouverts et bienveillants quant aux apports des nouveaux et nouvelles venues, de décider par consensus ou par consentement, de laisser le plus possible chacune choisir son secteur d’activité, de résoudre les tensions dans la non-violence et le pardon. »
Mais les communautés de l’Arche ont toujours eu, en parallèle, l’idée d’être ouvertes et de proposer d’agir par la non-violence. Pour cela, elles avaient comme principe de déléguer des personnes pour des actions extérieures en passant par la Coordination de l’action non-violente de l’Arche (CANVA).
Aujourd’hui, la CANVA fonctionne au ralenti : certaines communautés ne sont plus assez fortes pour se permettre d’avoir des personnes qui ne travaillent pas sur place [6]. Selon Catherina, qui vit à La Flayssière depuis 1995, il y aurait deux formes de non-violence : la première est tournée vers l’action militante alors que la seconde se penche sur l’éducation et les relations interpersonnelles. De fait, c’est cette deuxième non-violence qui reste active car implantée dans le quotidien. C’est une démarche plus humble, qui réduit la visibilité du mouvement.
Pour y remédier, la communauté de Saint-Antoine, dans l’Isère, a mis en place le programme « Formation et expérimentation au vivre-ensemble » (FEVE) [7], qui permet à des jeunes, d’abord pendent une semaine, puis lors d’une formation longue d’un an, de prendre conscience de l’intérêt des démarches collectives, de la vie dans un lieu collectif, de la mise en place de leur propre projet collectif (en lien ou non avec les communautés de l’Arche).
La joie et la paix restent les meilleurs signes de ce vivre-ensemble. La fête en est la manifestation avec ses chants, ses danses, dans la beauté à préserver. Pour maintenir cet essai de sobriété heureuse au milieu des inquiétudes, des agitations de ce monde, les épreuves et difficultés ne manquent pas. Comme le dit l’un des membre : « Toujours la barque est revenue au port après la tempête. C’est le meilleur de nous-mêmes, comme malgré nous, qui nous porte à construire aujourd’hui cette société que nous voulons pour demain. »

Pour aller plus loin
■■ Arche de la Flayssière, 34650 Joncels
tél : 04 67 44 40 90 leymarie_i@yahoo.fr
■■ Arche de la Borie Noble, 34650 Roqueredonde
tél : 04 67 44 09 89
■■ www.arche-nonviolence.eu

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Notes

[1Décédé en 1981.

[2Jean-Baptiste Libouban raconte son parcours de vie dans Vagabondage d’un faucheur volontaire et dans Sentiers d’aurore, recueil de poésie, aux éditions L’Harmattan.

[3Le mouvement est né en 2003, lors d’un rassemblement sur le Larzac. Environ 7 000 personnes se sont engagées à détruire les parcelles cultivées en OGM, début d’une longue campagne d’actions de désobéissance et de procès.
Voir www.faucheurs-volontaires. fr

[4Un postulant chemine vers l’engagement. Sur ces différents niveaux d’engagement, voir l’article dans Silence n° 192-193, août 1995, téléchargeable sur www.revuesilence.net

[5L’un des rôles qui ne tournent pas beaucoup, du fait de sa technicité.

[6À La Borie Noble, située dans la commune voisine, la situation est encore plus fragile : la communauté a été suspendue et trois personnes travaillent actuellement à sa refondation. En revanche, l’Arche de Saint-Antoine (Isère) est très dynamique, mais elle fonctionne au centre d’un village, avec une plus grande visibilité. D’autres communautés existent en Bretagne, en Suisse, en Allemagne, au Mexique et en Argentine.

[7Association FEVE, L’Arche, Cour du Cloître, 38160 Saint-Antoine-l’Abbaye, tél : 04 76 36 48 25, www.feve-nv.com. Silence est partenaire de cette formation.

[8Décédé en 1981.

[9Jean-Baptiste Libouban raconte son parcours de vie dans Vagabondage d’un faucheur volontaire et dans Sentiers d’aurore, recueil de poésie, aux éditions L’Harmattan.

[10Le mouvement est né en 2003, lors d’un rassemblement sur le Larzac. Environ 7 000 personnes se sont engagées à détruire les parcelles cultivées en OGM, début d’une longue campagne d’actions de désobéissance et de procès.
Voir www.faucheurs-volontaires. fr

[11Un postulant chemine vers l’engagement. Sur ces différents niveaux d’engagement, voir l’article dans Silence n° 192-193, août 1995, téléchargeable sur www.revuesilence.net

[12L’un des rôles qui ne tournent pas beaucoup, du fait de sa technicité.

[13À La Borie Noble, située dans la commune voisine, la situation est encore plus fragile : la communauté a été suspendue et trois personnes travaillent actuellement à sa refondation. En revanche, l’Arche de Saint-Antoine (Isère) est très dynamique, mais elle fonctionne au centre d’un village, avec une plus grande visibilité. D’autres communautés existent en Bretagne, en Suisse, en Allemagne, au Mexique et en Argentine.

[14Association FEVE, L’Arche, Cour du Cloître, 38160 Saint-Antoine-l’Abbaye, tél : 04 76 36 48 25, www.feve-nv.com. Silence est partenaire de cette formation.

[15Décédé en 1981.

[16Jean-Baptiste Libouban raconte son parcours de vie dans Vagabondage d’un faucheur volontaire et dans Sentiers d’aurore, recueil de poésie, aux éditions L’Harmattan.

[17Le mouvement est né en 2003, lors d’un rassemblement sur le Larzac. Environ 7 000 personnes se sont engagées à détruire les parcelles cultivées en OGM, début d’une longue campagne d’actions de désobéissance et de procès.
Voir www.faucheurs-volontaires. fr

[18Un postulant chemine vers l’engagement. Sur ces différents niveaux d’engagement, voir l’article dans Silence n° 192-193, août 1995, téléchargeable sur www.revuesilence.net

[19L’un des rôles qui ne tournent pas beaucoup, du fait de sa technicité.

[20À La Borie Noble, située dans la commune voisine, la situation est encore plus fragile : la communauté a été suspendue et trois personnes travaillent actuellement à sa refondation. En revanche, l’Arche de Saint-Antoine (Isère) est très dynamique, mais elle fonctionne au centre d’un village, avec une plus grande visibilité. D’autres communautés existent en Bretagne, en Suisse, en Allemagne, au Mexique et en Argentine.

[21Association FEVE, L’Arche, Cour du Cloître, 38160 Saint-Antoine-l’Abbaye, tél : 04 76 36 48 25, www.feve-nv.com. Silence est partenaire de cette formation.