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Cantercel : pour une architecture à l’écoute de la nature

Michel Bernard

Au sud du Larzac, depuis 1991, le site de Cantercel accueille un lieu d’expérimentation d’architecture en osmose avec le paysage.

Fiche d’identité
Localisation : nord du département, limite du Larzac • Création : 1991 • Surface : 30 hectares de garrigue • Société civile immobilière propriétaire, association locataire et gestionnaire des lieux • Deux personnes en permanence sur le site, de nombreuses autres de passages • Une dizaine de constructions originales • Importante documentation sur les alternatives dans le domaine de l’architecture

Jean-Pierre Campredon a fait ses études d’architecture à Paris sous la direction d’Hervé Baley dans les années 1970. Ce dernier, dans la suite de l’architecte Frank Lloyd Wright [1] enseignait l’importance de prendre en compte le paysage, de s’ouvrir sur l’espace. Annick Lombardet rencontre Jean-Pierre alors qu’elle est étudiante en architecture. Après plusieurs chantiers participatifs dans la capitale, ils souhaitent se confronter à des lieux plus sauvages.
En 1988, ils créent un groupe de travail avec un plasticien, un ingénieur et plusieurs architectes, et commencent à chercher un lieu où ouvrir un site expérimental. Ils découvrent le site actuel, qui présente à la fois des horizons très larges (on est sur le bord du plateau du Larzac) et des espaces intimes (creux, barres rocheuses). Il est assez proche de Montpellier et des réseaux de communication pour envisager des échanges avec les écoles d’architecture.

Un atelier au milieu de la garrigue

En 1991, ils constituent une société civile immobilière et achètent 30 ha après que les collectivités se sont engagées à viabiliser le terrain et à le déclarer constructible. Le terrain, classé Natura 2000, se trouve en limite du périmètre Unesco des causses du Larzac. Le lieu est animé par l’association Sens Espace Europe. Au départ, ils se heurtent à la difficulté de partir d’un terrain entièrement nu. Pendant cinq ans, ils doivent habiter à l’extérieur, avant que ne soient construits un immense atelier et des habitations.
Ils recherchent alors des industriels partenaires qui fournissent des matériaux à tester. Le premier à accepter est Serge Ferrari, un fabricant de toiles destinées au bâtiment et à l’habitat [2]. Les produits n’ont rien d’écolo (ce sont des plastiques, au départ en polyéthylène) mais par leur souplesse, ils permettent de donner des formes douces aux bâtiments. Grâce aux toiles légères, on peut créer des structures discrètes. Les toiles peuvent être translucides. Elles ont l’inconvénient de se salir, de n’avoir ni qualités thermiques ou isolantes, ni d’inertie, mais elles permettent de fabriquer en plusieurs couches une toiture ventilée évitant la surchauffe en été.
L’atelier, construit avec ces toiles, n’a pas été prévu pour fonctionner en hiver : à la belle saison, il accueille de nombreu·ses stagiaires (étudiant·es, professionnel·les, et les visiteu·ses).
Le site Cantercel  [3] bénéficie alors de programmes européens qui lui permettent d’accueillir des stagiaires pour une durée d’un an [4]. C’est l’occasion d’intenses échanges avec les écoles d’architecture d’Allemagne, d’Italie… mais aussi de Corée, du Canada.

Evolution écologique

C’est l’ingénieur allemand Mickaël Flach, enseignant à l’université d’Innsbruk, qui va promouvoir des visions plus écologiques. En 1999, il est à l’origine de la construction de la « maison arborescence » avec une structure porteuse en bois imitant un arbre et une isolation en ouate de cellulose. Un lit de galets, sous le sol en terre battue, permet la circulation d’air chaud à partir d’une serre. Le chauffage est complété par un poêle à bois hypocauste [5]. Des capteurs solaires fournissent l’eau chaude. Des murs en terre assurent l’inertie. Le toit végétalisé améliore l’isolation et permet à la maison, placée sur une terrasse, de disparaître dans le paysage…
Jusqu’en 2010, de nombreux stages pratiques se succèdent sur le site. « Le principe est que les étudiants doivent réaliser un projet (dessin des plans dans l’atelier) et le construire en se donnant des contraintes (par exemple un coût minimal, une utilisation optimale du soleil…) ». Le résultat est qu’aujourd’hui, sur le lieu, on trouve des petites constructions plus ou moins fonctionnelles allant d’une cabane très simple de 4 m2 à des structures légères habitables (variantes des tentes et des yourtes), des serres agricoles, etc. L’atelier abrite aussi une agence d’architecture qui réalise de nombreux projets extérieurs au site.
À partir de 2010, le lieu a connu une remise en cause. Au départ, le projet prévoyait que les constructions expérimentales puissent accueillir des personnes en permanence, le lieu se transformant en campus européen d’expérimentation en architecture. Mais de fait, si en été, le lieu bourdonne, peu de personnes restent à l’année. « Certaines familles se sont installées pendant quelques années, mais l’isolement est un problème et quand les enfants sont adolescents, ils refusent de rester. » Seuls Jean-Pierre et Annick vivent sur place depuis l’origine.

Un lieu qui s’ouvre à d’autres activités

Le lien avec le Larzac permet des synergies : la Société civile des terres du Larzac [6] leur fournit le bois déchiqueté qui sert au chauffage des constructions sur le site. Cantercel a accompagné certains projets au Cun du Larzac [7], ainsi que plusieurs rénovations dans les environs.
Le groupe a également bénéficié du soutien d’Edisud pour la publication de deux livres : Habiter autrement (2001) et Enveloppes et murs (2002). Membre de l’association, l’éditeur a contribué financièrement à la construction d’un premier gîte en 2012.
Le projet actuel est de mêler la recherche architecturale à l’installation de nouvelles activités. Le gîte connaît un taux de remplissage très satisfaisant. Il est envisagé d’en ouvrir d’autres. Les activités de formation ayant ralenti (les personnes fondatrices ont l’âge de la retraite), une partie des ateliers est mise à disposition d’artisan·es extérieur·es (ébéniste, ferronnière). La salle de réunions accueille des manifestations, conférences, forums, concerts, etc.
Il y a là les compétences et l’espace pour l’accueil de projets qui peuvent s’accommoder d’une vie à l’écart des grands centres urbains. Avis aux amat·rices !

Qu’est-ce qu’une architecture à l’écoute de la nature ?
Selon Annick, « l’architecture doit être dans l’espace comme la musique est dans le temps : une mélodie, un rythme ». « Le principe à Cantercel est de lutter contre ‘la boîte’ : les parallèles, les cadres, les ruptures. On recherche une fluidité de l’espace, continuité intérieur-extérieur. »
Les pièces d’intimité propices au recentrage s’articulent avec une vaste pièce commune et une identification des espaces pour matérialiser les usages (cuisine, salle à manger, salon, etc.) : changement de niveau, de géométrie, d’orientation, etc.
La lumière doit bien circuler. « Les ouvertures ne sont pas des ‘trous’ : c’est la façade qui se transforme en passage. » À Cantercel, on fait grand usage de polycarbonates, des plastiques qui permettent de se passer de cadre. C’est facile à mettre en oeuvre à la construction, procure un abri au vent et à la pluie, mais c’est limité thermiquement, et produit à partir du pétrole. Des plastiques réalisés à partir de végétaux commencent à se développer.
Permettre au regard de se projeter loin donne une impression d’espace… et permet d’envisager des maisons plus petites. Des couleurs chaudes permettent d’accepter un chauffage moindre.

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Notes

[1Frank Lloyd Wright (1867–1959), fondateur de l’architecture organique, figure parmi les pères du mouvement moderne. Il est connu pour avoir réalisé de nombreuses petites maisons en harmonie avec l’environnement. Ses oeuvres les plus connues sont la Fallingwater House (maison sur la cascade), et le musée Guggenheim de New York.

[2Textile technique précontraint, stores, voiles d’ombrages, pergolas, velum, recouvrement de mobiliers pour l’extérieur, etc. www.sergeferrari.com

[3Cantercel est un mot inventé évoquant la chant entre la terre et le ciel.

[4Bourses Com’et, Leonardo…

[5Mode de chauffage par le sol développé à l’époque romaine.

[6La SCTL, créée en 1985, gère la totalité des terres récupérées par l’État après l’abandon du projet d’extension du camp militaire (6 378 ha, 20 fermes). Gérée par les paysan·nes, elle attribue les exploitations et fixe les baux ruraux sur une douzaine de communes. Pour en savoir plus : SCTL, Montredon, 12100 La Roque-Sainte-Marguerite, tél : 05 65 62 13 39, ww.larzac.org

[7Le Cun du Larzac est née en 1976 pendant l’occupation contre l’extension du camp militaire, à l’initiative d’objecteurs de conscience. Centre de formation sur la non-violence jusque dans les années 2000, il est aujourd’hui reconverti en éco-camping. Eco-camping Le Cun du Larzac, route de Saint-Martin, 12100 Millau, tél : 05 65 61 38 57, http://ecocampingdularzac.org

[8Frank Lloyd Wright (1867–1959), fondateur de l’architecture organique, figure parmi les pères du mouvement moderne. Il est connu pour avoir réalisé de nombreuses petites maisons en harmonie avec l’environnement. Ses oeuvres les plus connues sont la Fallingwater House (maison sur la cascade), et le musée Guggenheim de New York.

[9Textile technique précontraint, stores, voiles d’ombrages, pergolas, velum, recouvrement de mobiliers pour l’extérieur, etc. www.sergeferrari.com

[10Cantercel est un mot inventé évoquant la chant entre la terre et le ciel.

[11Bourses Com’et, Leonardo…

[12Mode de chauffage par le sol développé à l’époque romaine.

[13La SCTL, créée en 1985, gère la totalité des terres récupérées par l’État après l’abandon du projet d’extension du camp militaire (6 378 ha, 20 fermes). Gérée par les paysan·nes, elle attribue les exploitations et fixe les baux ruraux sur une douzaine de communes. Pour en savoir plus : SCTL, Montredon, 12100 La Roque-Sainte-Marguerite, tél : 05 65 62 13 39, ww.larzac.org

[14Le Cun du Larzac est née en 1976 pendant l’occupation contre l’extension du camp militaire, à l’initiative d’objecteurs de conscience. Centre de formation sur la non-violence jusque dans les années 2000, il est aujourd’hui reconverti en éco-camping. Eco-camping Le Cun du Larzac, route de Saint-Martin, 12100 Millau, tél : 05 65 61 38 57, http://ecocampingdularzac.org

[15Frank Lloyd Wright (1867–1959), fondateur de l’architecture organique, figure parmi les pères du mouvement moderne. Il est connu pour avoir réalisé de nombreuses petites maisons en harmonie avec l’environnement. Ses oeuvres les plus connues sont la Fallingwater House (maison sur la cascade), et le musée Guggenheim de New York.

[16Textile technique précontraint, stores, voiles d’ombrages, pergolas, velum, recouvrement de mobiliers pour l’extérieur, etc. www.sergeferrari.com

[17Cantercel est un mot inventé évoquant la chant entre la terre et le ciel.

[18Bourses Com’et, Leonardo…

[19Mode de chauffage par le sol développé à l’époque romaine.

[20La SCTL, créée en 1985, gère la totalité des terres récupérées par l’État après l’abandon du projet d’extension du camp militaire (6 378 ha, 20 fermes). Gérée par les paysan·nes, elle attribue les exploitations et fixe les baux ruraux sur une douzaine de communes. Pour en savoir plus : SCTL, Montredon, 12100 La Roque-Sainte-Marguerite, tél : 05 65 62 13 39, ww.larzac.org

[21Le Cun du Larzac est née en 1976 pendant l’occupation contre l’extension du camp militaire, à l’initiative d’objecteurs de conscience. Centre de formation sur la non-violence jusque dans les années 2000, il est aujourd’hui reconverti en éco-camping. Eco-camping Le Cun du Larzac, route de Saint-Martin, 12100 Millau, tél : 05 65 61 38 57, http://ecocampingdularzac.org